La CGPME défendant de très longue date le paritarisme, je prendrai des exemples concrets illustrant la manière dont elle le met en oeuvre, en particulier lorsqu'elle se trouve seule face aux organisations syndicales.
Le paritarisme s'appuie selon nous sur deux conceptions complémentaires qui sont, d'une part, la politique conventionnelle, fondée sur la capacité, aux niveaux interprofessionnel, des branches et des entreprises, de négocier des accords – le sens de l'Histoire semblant être de développer cette capacité au plus près de l'entreprise – et, d'autre part, la gestion paritaire de certains régimes ou organismes. Cette seconde conception découle d'ailleurs souvent de la première : il y a, dans de nombreux domaines, des articulations entre la signature d'un accord national interprofessionnel et sa mise en oeuvre par un organisme à gestion paritaire.
S'agissant de la politique conventionnelle, vous remarquerez que, face à la velléité gouvernementale d'augmenter la taxation des contrats à durée déterminée (CDD) par voie d'amendement au projet de loi El Khomri, la CGPME a pris une position claire, la semaine dernière, en commission exécutive et en comité directeur. Nous n'exerçons aucun chantage sur la négociation de l'assurance-chômage. Nous constatons que le Gouvernement souhaite y entrer par effraction par le biais d'un amendement visant à généraliser la taxation des CDD. Mais nous resterons dans cette négociation. Si celle-ci va jusqu'au bout, nous prendrons la décision de signer ou non l'accord en fonction de son contenu – en particulier, nous avons dit que la CGPME ne signerait pas un accord aggravant la taxation des CDD –, quels que soient les événements qui seront intervenus entre-temps. Nous considérons en effet qu'il est inepte de taxer l'accès à l'emploi aujourd'hui en France, compte tenu de la situation de chômage endémique que nous connaissons. Je le dis pour vous montrer à quel point notre conception du paritarisme diffère de celle d'une autre organisation patronale. Nous sommes attachés à la valeur du paritarisme que nous considérons comme un pilier fondamental de l'équilibre social du pays.
Faut-il étendre ou au contraire restreindre le champ du paritarisme ? Nous pensons pour notre part qu'il est a minima trois secteurs dans lesquels le paritarisme doit s'appliquer : la formation professionnelle, le régime des retraites complémentaires et l'assurance-chômage. Nous jugeons nécessaire de sanctuariser ces trois domaines dont la gestion paritaire nous semble tout à fait essentielle. C'est là le dialogue social à la française qui est en jeu.
Comme vous nous avez adressé des questions sur le fonctionnement et le financement du paritarisme ainsi que sur le nombre de mandats exercés et le rôle des conseils d'administration, je vous présenterai trois exemples de gestion paritaire afin de mettre en exergue mes propos et de coller à la réalité du terrain que je vis en tant que responsable, depuis dix ans, de l'emploi, de la formation et de l'éducation puis, depuis de la fin de l'année dernière, de chargé des affaires sociales à la CGPME.
Premier exemple, l'Association de gestion des fonds salarié des petites et moyennes entreprises (AGEFOS-PME) est un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) interprofessionnel regroupant cinquante branches. Les sièges de son conseil d'administration sont détenus à 50 % par la CGPME du côté patronal et à 50 % par les cinq confédérations représentatives des salariés. Sa gestion est donc intégralement paritaire. Il est d'ailleurs remarquable que dès le départ, il y a près de quarante ans, la CGPME ait opté pour une telle gestion qui implique que toutes les décisions, quelles qu'elles soient, soient sous double signature. Cette gestion paritaire présente aussi la particularité d'être territoriale : cet OPCA dispose de conseils d'administration territoriaux, à raison d'un par région – conformément à leur nouveau découpage. Nous avons en effet tout mis en oeuvre pour faire notre propre réforme et ainsi être prêts, dès le 1er janvier, à discuter avec les autorités régionales nouvellement installées. Cette dimension territoriale est très importante pour nous car elle nous permet d'être au plus près de l'entreprise. Elle est nécessaire si nous voulons être capables d'apporter un service de proximité, de conseil, d'assistance, d'ingénierie et de financement sur les questions de formation et d'emploi – l'insertion professionnelle représentant plus de 40 % de l'activité de cet OPCA.
Cette gestion paritaire territoriale s'appuie non pas sur des permanents d'organisation mais sur 500 chefs de TPE et PME siégeant dans ces conseils d'administration et commissions, que ce soit au niveau national ou dans les régions et les départements d'outre-mer : ces chefs d'entreprise prennent ainsi de leur temps pour contribuer à un dialogue social nourri dans tous les territoires sur les questions d'emploi et de formation. On nous a objecté qu'une telle organisation coûtait cher, mais elle est très utile et pertinente, car la définition des besoins en compétences de chaque PME ne peut se faire qu'au plus près du territoire, grâce à une gestion paritaire territorialisée. Je me suis battu bec et ongles avec les gouvernements successifs, toutes couleurs politiques confondues, pour conserver une telle organisation, sans laquelle nous ne serions plus en mesure d'apporter aux chefs d'entreprise et à leurs salariés un accompagnement susceptible d'améliorer la compétitivité et le développement économique des entreprises. Nous continuerons à défendre notre « ADN » coûte que coûte, car nous ne pensons pas que de grands systèmes d'organisation gérés depuis la capitale soient en mesure d'apporter une réponse concrète aux enjeux précités. La qualité de cette gestion est connue et reconnue dans les territoires par les décideurs politiques.