Notre organisation actuelle s'appuie sur des conseils d'administration et des associations mandataires régionaux. Nous nous sommes alignés sur les nouvelles régions, même si l'amplitude géographique de certaines d'entre elles pose problème. Mais nous avons aussi, au plus près du territoire, des antennes auprès desquelles nous avons placé du personnel permanent. C'est là une vraie nécessité car on ne peut gérer toute une région depuis Bordeaux ou Lille. Vous noterez d'ailleurs que le siège de l'AGEFOS Nord-Picardie a toujours été à Amiens et non à Lille, car nous avons considéré qu'il était plus facile de se déplacer sur un territoire à partir d'un épicentre. Nous avons évidemment une sous-direction importante à Lille, mais nous avons choisi un noeud névralgique qui soit géographiquement cohérent par rapport au territoire.
Nous défendons ce modèle, qui suscite beaucoup de convoitise. Le jour où on le changera pour installer des permanents ou des directeurs des ressources humaines dans les conseils d'administration d'AGEFOS-PME sans tenir compte des spécificités des petites entreprises et qu'on traitera ces dernières comme les grandes entreprises, on aura tout perdu. Nous aurons alors presque intérêt à nous retirer du jeu.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le deuxième exemple précis que je souhaitais présenter est celui de Pôle Emploi, dont je suis administrateur depuis cinq ans – y occupant le seul siège détenu par la CGPME. Pôle Emploi est une instance hybride ne fonctionnant pas de manière concertée puisqu'elle regroupe quatre parties prenantes : l'État, cinq organisations représentatives des salariés, cinq organisations représentatives du patronat, des personnalités qualifiées et des représentants des territoires régionaux et départementaux. Les marges de manoeuvre de l'organisme sont limitées dans la mesure où celui-ci est sous le contrôle non seulement de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) mais aussi de Bercy : le ministère des finances cherche toujours à mettre l'organisme « au ras des pâquerettes » et serait fort satisfait si la trésorerie de ce dernier pouvait être négative.
La dotation de l'État, qui représente moins d'un tiers du budget de Pôle Emploi, a très peu évolué ; les partenaires sociaux, avec une fraction des cotisations d'assurance-chômage, assurent le fonctionnement de la structure. La marge d'ajustement disponible est minime, car les frais de fonctionnement sont incompressibles, Pôle Emploi recourant à 50 000 collaborateurs et devant garantir une indispensable présence territoriale. Le service de l'indemnisation est très bien rendu, mais cette marge d'ajustement porte sur l'accompagnement et, surtout, la formation des demandeurs d'emploi.
Le comportement de l'État est erratique : tour à tour, il diminue le nombre des formations, pour en demander ensuite 100 000, puis 150 000, 350 000 supplémentaires, et même 500 000 aujourd'hui, que doivent financer les partenaires sociaux à travers le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Une telle attitude n'est pas à la hauteur des enjeux, et résulte de cette forme de tripartisme soumis à des injonctions de l'exécutif – quelle que soit la majorité aux affaires – qui viennent bousculer le fonctionnement du système, alors qu'elles ne procèdent que d'un souci d'annonce. En tout état de cause, un tel tripartisme ne peut pas fonctionner de façon satisfaisante.
Plutôt que de me rendre à votre invitation, j'aurais pu aujourd'hui participer à la réception conjointe, organisée par Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage, du FPSPP et du Comité interprofessionnel pour l'emploi et la formation (COPANEF), dont je suis membre. Il s'agit de présenter un projet du MEDEF et de la CFDT – et non pas de la CGPME – proposant la fusion du FPSPP et du COPANEF, sous prétexte d'alléger le dispositif : c'est là le mariage de la carpe et du lapin ! Toutefois, il se trouve que le COPANEF est un organe politique des négociateurs sociaux : il constitue l'organe de régulation dans le domaine de la formation professionnelle et prend des décisions d'ajustement.
De son côté, le FPSPP collecte l'ensemble des cotisations versées par les entreprises pour la formation professionnelle et anime le réseau des organismes paritaires collecteurs agréés. Il finance ainsi des politiques étatiques, car c'est une longue tradition de l'État que de puiser dans les ressources de la formation professionnelle, tradition qui existait déjà à l'époque du fonds unique de péréquation (FUP). C'est lui qui garantit la pérennité financière de systèmes aussi importants que l'alternance à travers le contrat de professionnalisation, qui peut durer jusqu'à vingt-quatre mois, du compte personnel de formation, des accompagnements de restructuration ou de formation des demandeurs d'emploi en fin de droits.
L'État est représenté au sein du FPSPP par un contrôleur et un représentant de la direction générale des finances publiques (DGFiP), et il pèse sur les décisions ; je rappelle que Bercy s'apprêtait une fois de plus à racler les fonds de tiroir des OPCA et du FPSPP et qu'une mission conjointe de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) travaille à chercher de l'argent au sein du système afin de financer les 350 000 formations supplémentaires que j'ai évoquées. C'est le serpent qui se mord la queue ! Et tout cela sera fait au détriment de la formation des salariés, notamment dans les TPE et PME, alors que, là aussi, une longue tradition républicaine affiche ces formations comme une priorité – sauf que, dans les faits, c'est tout le contraire qui se produit, à cause d'un système paritaire dévoyé au sein duquel un troisième larron vient interférer.
La situation est dramatique, et à l'occasion de la dernière réforme de la formation professionnelle, la CGPME, prenant acte de la fin de la mutualisation des fonds de la formation professionnelle au profit des salariés des TPE et PME, a passé un accord national interprofessionnel avec les cinq organisations syndicales dans le champ de l'AGEFOS-PME. Cet accord institue un dispositif de versement volontaire des entreprises et une garantie formation consistant à accompagner et assurer la bonne fin juridique des nouvelles obligations en matière de formation professionnelle.