Intervention de Michel Sordi

Réunion du 11 mai 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Sordi, rapporteur :

Nous effectuerons une présentation à deux voix de ce rapport d'application de la loi dite « Lamy », réalisé dans le cadre défini par l'article 145-7 du Règlement de l'Assemblée nationale. Le rapport intervenant un peu plus de deux ans après la promulgation de la loi, nous avons décidé d'aller au-delà du simple contrôle de la publication des décrets d'application pour procéder à une première évaluation des effets de l'application du texte dans les territoires.

Après seize auditions à l'Assemblée nationale et deux déplacements dans le Rhône et en Seine-Saint-Denis, nous pouvons affirmer que les services de l'État et des collectivités territoriales se sont fortement mobilisés pour appliquer la loi, même si beaucoup reste à faire.

Les sept décrets d'application prévus par la loi ont tous été publiés dans un délai raisonnable – le dernier l'a été le 3 septembre 2015, soit à peine plus de dix-huit mois après la promulgation de la loi.

L'un des objectifs principaux du texte était de réformer la géographie prioritaire de la politique de la ville. Dans un rapport public thématique de juillet 2012, la Cour des comptes avait en effet fustigé la complexité et le « saupoudrage » des aides publiques qui résultaient des différents zonages prioritaires instaurés depuis 1996. Aux zones urbaines sensibles (ZUS), contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) et zones de redynamisation urbaine (ZRU) devait succéder un zonage unique fondé sur le revenu des habitants. Ce nouveau zonage, défini par deux décrets du 30 décembre 2014, est en vigueur depuis le 1er janvier 2015. Conformément à l'intention du législateur, cette nouvelle géographie se concentre sur les quartiers les plus en difficulté. Elle compte 1 514 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) contre plus de 2 500 ZUS et quartiers CUCS, soit 40 % de quartiers en moins par rapport à la géographie précédente. Le nombre de communes « sorties » de la politique de la ville est de 327, tandis que 117 communes y sont entrées.

Cette nouvelle géographie prioritaire fait consensus auprès des acteurs de la politique de la ville que nous avons interrogés. Une phase de concertation constructive qui a eu lieu entre les préfets et les élus locaux à l'automne 2014 a permis d'ajuster les périmètres de certains quartiers. Certains élus locaux ont cependant regretté l'effet de seuil créé par le nombre minimal de 1 000 habitants, défini par le décret du 3 juillet 2014, qui a exclu certaines poches de pauvreté et des quartiers pavillonnaires moins denses, pourtant en voie de paupérisation. Des exemples nous ont été cités dans le Rhône, dans le Nord et en Seine-Saint-Denis.

Généralement, ces nouveaux quartiers prioritaires ciblent toutefois mieux les concentrations urbaines de pauvreté. D'après l'INSEE, la proportion de ménages à faibles revenus y est de 31,4 %, contre 21,9 % dans l'ancienne géographie. La proportion de jeunes y est également plus élevée, de même que la part de ménages locataires en HLM. Des territoires plus ruraux comme l'Ariège, la Creuse et le Gers sont entrés pour la première fois dans la politique de la ville. L'ancienne région Languedoc-Roussillon est celle qui a accueilli le plus de nouveaux quartiers prioritaires.

Le deuxième grand objectif de la loi était de renforcer le pilotage intercommunal de la politique de la ville. Les contrats de ville, chargés de définir localement la politique de la ville, devaient obligatoirement être signés à l'échelle intercommunale afin de mieux intégrer les quartiers dans l'agglomération et de mieux mobiliser les différentes politiques publiques locales – des transports, du logement ou de l'emploi. Les métropoles, les communautés urbaines et les communautés d'agglomération ont reçu pour cela une compétence obligatoire de coordination des contrats de ville.

Depuis le début de l'année 2016, tous les contrats de ville ont été signés, soit 435 au total. Le renforcement du rôle de l'intercommunalité est a priori un succès : d'après le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), 63 % des contrats de ville ont été pilotés par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Dans les départements de la petite couronne parisienne, qui concentrent une part importante de la population habitant en QPV, les contrats de ville ont toutefois été signés dans les périmètres qui précédaient la création de la métropole du Grand Paris au 1er janvier 2016. Un travail important reste donc à y accomplir afin de compiler et de synthétiser les contrats de ville dans le cadre des nouvelles intercommunalités.

D'après les acteurs interrogés, la répartition des rôles entre l'EPCI compétent en matière de politique de la ville et les communes, qui fit d'ailleurs l'objet d'un long débat parlementaire, s'est généralement bien passée. La qualité du pilotage intercommunal fut toutefois très inégale en fonction du degré d'intégration préalable des EPCI. Par ailleurs, conformément à l'intention du législateur, le nombre moyen de signataires des contrats de ville est beaucoup plus élevé que dans le cadre des anciens CUCS. Ainsi, toutes les régions ont signé les contrats de ville de leur territoire et 97 % des départements ont fait de même. Les bailleurs sociaux, la Caisse des dépôts et consignations, Pôle emploi et les caisses d'allocations familiales (CAF) se sont également beaucoup mobilisés.

Toutefois, de nombreux acteurs locaux ont estimé que le calendrier de signature des contrats de ville avait été très contraint et que cette rapidité a pu nuire à la qualité de certains d'entre eux. De nombreux contrats de ville signés en 2015 ne sont ainsi en réalité que des contrats-cadres qui se contentent de fixer des grandes orientations. En outre, certains signataires comme les régions, les départements, l'éducation nationale ou les agences régionales de santé (ARS) ont eu des difficultés à proposer des actions innovantes. Enfin, certains principes de la loi, comme l'obligation de désigner une structure locale d'évaluation, ont pour l'instant été ignorés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion