En somme, en ce qui concerne l'élaboration des contrats de ville, la loi a globalement été bien appliquée et efficacement mise en oeuvre par tous les acteurs. Je me concentrerai pour ma part sur ce qui, malheureusement, n'a pas toujours bien fonctionné et sur les aspects de la loi que les opérateurs concernés n'ont pas ou ont peu appliqué.
Il s'agit d'abord des moyens financiers dévolus à la politique de la ville. Aux termes de la loi, quatre documents devaient permettre de déterminer, dans le cadre des contrats de ville, qui finance quoi.
Premièrement, le contrat de ville devait définir les moyens engagés par les acteurs et les signataires, en particulier, pour les services de l'État, le droit commun mis en oeuvre pour favoriser l'action publique dans les quartiers, d'une part, et les moyens spécifiquement dédiés à la politique de la ville, d'autre part. La loi indiquait que tous ces éléments devaient figurer dans le contrat de ville ; une circulaire a précisé qu'ils devaient apparaître dans une annexe à celui-ci. Or, aujourd'hui, à deux ou trois exceptions près – dont Nantes et le Grand Auch –, aucun contrat de ville ne dispose d'une annexe financière. Autrement dit, le contrat de ville décrit les actions à mettre en oeuvre, mais le volet financier manque.
Deuxièmement, le Gouvernement devait remettre au Parlement, avant le 1er septembre 2014, un rapport sur la mise en oeuvre de la dotation de la politique de la ville (DPV), dotation d'État affectée aux territoires qui devait remplacer la dotation de développement urbain (DDU). Ce rapport, nous l'attendons toujours. Certes la DDU est bien devenue DPV, mais les conditions d'attribution de la dotation restent les mêmes : ce sont les préfets qui déterminent les enveloppes accordées aux territoires.
Troisièmement, un pacte financier et fiscal devait être conclu entre les communes et les intercommunalités. C'était une grande nouveauté de la loi Lamy : les intercommunalités devaient prendre davantage en considération les enjeux de la politique de la ville et des contrats de ville. Or il ressort de nos travaux et de nos auditions qu'aucun pacte financier et fiscal n'a été établi.
Quatrièmement, les signataires du contrat de ville et les bailleurs sociaux devaient signer une convention sur le fameux abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dont bénéficient les bailleurs sociaux et qu'ils doivent réinvestir dans les quartiers. Or, même si des conventions ont été signées dans environ 50 % des cas – ce devrait être 75 % d'ici à la fin de l'année, d'après ce que l'on nous annonce –, nous avons découvert lors de nos auditions que la direction générale des finances publiques (DGFiP) est incapable de donner le montant des abattements avant la fin de l'année à venir. En d'autres termes, on signe des conventions portant sur un montant qui n'est pas consolidé. Ce n'est pas neutre, d'abord parce la convention peut de ce fait ne pas correspondre à la réalité, ensuite parce que la moins-value fiscale est estimée – sous-estimée, à mon avis – à environ 150 millions d'euros au niveau national. Or l'abattement, qui était compensé par l'État lorsqu'il s'appliquait dans le cadre des ZUS, ne l'est quasiment plus, malgré un amendement à la loi de finances qui a porté le taux de compensation à 40 % dans les quartiers concernés. En d'autres termes, les communes de la politique de la ville sont pénalisées financièrement, car elles perdent des recettes qui ne sont pas nécessairement réinvesties dans ces quartiers, ce qui est contre-péréquateur et contraire à la volonté du législateur.
Sur ces aspects financiers, un effort important reste donc à faire : il faut un second souffle, afin que les documents exigés par la loi soient élaborés et que l'on sache ainsi qui fait quoi et quels sont les financements que nous apportons à ces quartiers.
Un autre aspect essentiel de la loi Lamy était la participation des habitants dans le cadre des conseils citoyens. À ce jour, un peu plus de 50 % des territoires concernés se sont dotés de ces conseils. Cela a pris un peu de temps et n'a pas été sans quelques difficultés. De manière générale, les choses se déroulent maintenant de manière plutôt satisfaisante. Certes, la loi n'a pas été strictement respectée partout : elle prévoyait un conseil citoyen par QPV, par commune, autonome et doté, en particulier par l'État, de moyens de fonctionnement propres ; or, en Seine-Saint-Denis, par exemple, il a été décidé de constituer un conseil citoyen pour l'ensemble des QPV. Mais l'on peut dire que le dispositif a été installé de manière plutôt efficace, compte tenu des spécificités locales. Dans certains territoires, les conseils citoyens ne sont pas autonomes et restent pilotés par la municipalité ; dans d'autres, la loi est bien appliquée.
En revanche, aux termes de la loi, les conseils citoyens devaient participer à l'élaboration et à la signature des contrats de ville ; mais comme ils n'ont été constitués qu'après celle-ci, ils seront chargés de suivre l'évolution des contrats de ville et de participer à la préparation de la convention de rénovation urbaine qui sera ensuite signée.
Nous espérons que tous les territoires concernés auront bientôt leurs conseils citoyens.
La loi de finances pour 2016 a attribué des financements à ces conseils afin de permettre à leurs membres de se former et d'agir. À cet égard, les choses se mettent en place peu à peu, mais, dans ce domaine aussi, un effort important reste à faire. On aurait tort de croire, en effet, que les citoyens peuvent se doter du jour au lendemain des compétences nécessaires pour suivre l'élaboration et la mise en oeuvre d'un contrat de ville et d'une convention de rénovation urbaine. Des moyens sont disponibles ; encore faut-il monter les formations. Précisons que certains conseillers citoyens ont toutefois déjà pu en bénéficier.