Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 19 mai 2016 à 15h00
Lutte contre le crime organisé le terrorisme et leur financement — Présentation

Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, la CMP est une étape lors de laquelle le Gouvernement est spectateur : c’est à peu près le seul moment de la procédure parlementaire où sa capacité d’influence est quasi nulle. Vous comprendrez donc que je serai très peu loquace, et que je me bornerai à remercier les acteurs de la réunion du 11 mai qui a, heureusement, abouti.

Je salue évidemment les deux rapporteurs, Colette Capdevielle et Pascal Popelin. Je n’oublie pas Dominique Raimbourg, qui a été un artisan de ce succès et auquel vous transmettrez mes remerciements. Merci aussi, évidemment, aux membres des différents groupes, qui reflètent les diverses composantes de l’Assemblée nationale et qui ont oeuvré à la construction de ce consensus.

Il est vrai que les débats dans cet hémicycle avaient montré le chemin, puisque le projet de loi avait été adopté en première lecture par une large majorité, ce qui n’est pas très courant pour des textes de cette importance – 474 voix pour, 32 voix contre. Nous avons retrouvé cette quasi-unanimité au Sénat : 299 sénateurs s’étaient prononcés favorablement sur ce texte, quand seulement 29 d’entre eux avaient choisi de ne pas lui apporter leur soutien. Les deux assemblées avaient ainsi manifesté, dans les débats et dans les votes, leur claire volonté d’aboutir et de consolider la plupart des articles, lesquels ont été portés par trois ministres, de façon à balayer les différents aspects de la lutte contre le terrorisme, contre la criminalité organisée, et des réformes de la procédure pénale.

Vous l’avez dit, madame, monsieur les rapporteurs : la CMP a sagement su dépasser les différends qui existaient. L’engagement des deux présidents de commission n’y est sans doute pas pour rien.

Nous pouvons être, tous ensemble, assez fiers du travail accompli et de notre capacité de rassemblement autour de la sécurité, des garanties pour nos concitoyens, du renforcement des moyens des magistrats et de l’ensemble des simplifications procédurales qui ont abouti.

Il est précieux que, sur ces sujets, la volonté d’aboutir n’ait pas failli et qu’à chaque étape du processus parlementaire, on ait trouvé des points d’accord.

Ces efforts se constatent dans les chiffres : de 34 articles originels lors de sa présentation en conseil des ministres, le texte est passé à 102 articles à l’issue des débats au sein de cet hémicycle et il en compte maintenant 125 après les travaux de la commission mixte paritaire.

Bien sûr, des observateurs superficiels ou des esprits chagrins – mais il n’y en a pas dans l’hémicycle – critiqueront cet accroissement. Je préfère plus sérieusement y voir un travail parlementaire abouti, réalisé avec d’autant plus de constance et de méticulosité que, la plupart du temps, le Gouvernement était en parfaite harmonie avec les aspirations des parlementaires.

Je n’emploie pas cette précision, « la plupart du temps », par hasard. Il y a en effet, dans le texte de la CMP, des points qui n’auraient sans doute pas recueilli l’appui du Gouvernement dans l’hémicycle, mais c’est la manifestation légitime de la souveraineté parlementaire qui s’est exprimée. Mes convictions personnelles s’agissant des libertés du législateur sont suffisamment connues pour que je ne m’en formalise pas aujourd’hui.

Nous sommes tous les auteurs de ce texte et nous pouvons tous en revendiquer une partie importante. Ce projet de loi avait trois ambitions : des moyens supplémentaires pour lutter contre un phénomène dont on sait qu’il sera malheureusement durable, même s’il a fait une irruption brutale dans notre quotidien – je veux bien sûr parler du terrorisme ; plus de garanties pour le justiciable – personne ne comprendrait que notre équilibre soit altéré – et enfin, surtout, une longue série de simplifications procédurales.

Avant de conclure, j’aborderai deux points sur lesquels je souhaiterais m’attarder un instant et qui me permettront de répondre aux questions qui sont posées à l’extérieur de nos murs, car ici chacun connaît les réponses.

Pourquoi avions-nous besoin d’une troisième loi antiterroriste depuis le début de ce quinquennat et qui sera sans doute promulguée cet été, après celle de décembre 2012 et celle du 13 novembre 2014 ? Céderions-nous, comme j’ai pu le lire, à une sorte de fuite en avant de l’antiterrorisme, certains ayant parlé d’un canard sans tête dont on ne sait pas trop où il va aboutir ? Je ne le crois pas. Je suis même férocement convaincu du contraire.

Ce texte vient, par de multiples aspects, consolider le modèle français de lutte contre le terrorisme qui confie à l’autorité judiciaire une large capacité d’action qui s’étend de la prévention à la répression. Il apporte de la modernité technologique afin de préserver cette spécificité qui confie à l’autorité judiciaire la capacité de mouvement. Il permettra de renforcer la police judiciaire qui ne doit pas être moins efficace que la police administrative pour continuer d’exercer pleinement son office. Dès lors, il s’inscrit dans l’avenir de notre pays, parce qu’il le prépare, et même, le rend possible.

Mais au-delà de l’antiterrorisme, ce texte, je veux le souligner, doit être vu comme l’un des éléments constitutifs de l’ambition que j’essaie de porter pour le ministère que j’ai le privilège de servir depuis un peu plus de trois mois. Il ne peut pas se lire indépendamment du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle que vous examinez en ce moment même, non plus que du travail réglementaire réalisé ou des moyens budgétaires qui sont mobilisés.

Les mots peuvent paraître galvaudés à force d’être répétés mais, avec ce texte, nous oeuvrons ensemble pour une justice plus efficace, plus accessible pour le citoyen et, surtout, pour une justice moins pauvre.

Je veux, par tous les moyens, poursuivre cet objectif tout à la fois évident et ambitieux. Je veux une autorité judiciaire qui, dans l’exercice quotidien comme face à la violence terroriste, continue de faire honneur à notre pays. Une justice dont nos concitoyens puissent se dire fiers et à laquelle ils puissent spontanément accorder leur confiance et le respect qui s’impose.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion