Autre exemple de l'utilité des diplomates oeuvrant pour les droits de l'homme – peut-être trop dans l'ombre, je suis le premier à le déplorer, la presse ayant ses propres préoccupations – : Lubanga a été aujourd'hui condamné par la Cour pénale internationale pour avoir recruté des enfants soldats et fait commettre des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Or, ce fait a été rendu possible par le statut de Rome, lequel a été porté par la France pendant vingt ans, c'est-à-dire négocié dans les enceintes internationales, amendé, adopté, puis appliqué et financé.
Lorsque je me suis entretenu avec Aung San Suu Kyi – j'ai été l'un des premiers envoyés occidentaux qu'elle ait reçus à Rangoun –, elle m'a indiqué que le risque, pour certains dirigeants, d'être poursuivis devant une juridiction internationale avait joué dans la transformation positive du régime. C'est un grand succès pour ceux qui il y a vingt ans rêvaient d'une justice internationale, de même que pour toutes les équipes travaillant autour de moi au Quai d'Orsay.
À Goma, à l'est de la République démocratique du Congo, dans la région des Grands Lacs, qui concentre toute la panoplie des violations des droits de l'Homme, nous sommes un des seuls pays à avoir des diplomates sur place, qui sont à l'écoute, protègent et financent des programmes de soutien aux femmes victimes de viol ou aux enfants, alors que l'État est au mieux absent et au pire une menace pour ses citoyens.
On est confronté à des besoins illimités avec des moyens limités : il faut donc inventer des leviers nouveaux, comme le levier culturel. Avoir le premier réseau diplomatique et culturel du monde est à cet égard à la fois une chance et une responsabilité. Pour la journée mondiale de l'abolition de la peine de mort, nous avons ainsi donné instruction à nos ambassades et postes culturels d'organiser des événements sur ce thème dans les pays où elle est encore pratiquée : ce fut le cas notamment à N'Djaména, à Shanghaï ou à Pékin. Ces actions sont peu connues mais permettent aussi d'obtenir des résultats.
Monsieur Janquin, il faut dépasser l'opposition entre souveraineté d'une part et ingérence et responsabilité de protéger d'autre part, en disant que nous ne remettons pas en cause la souveraineté – qui est la base des relations internationales, de la paix dans le monde et des Nations unies – dès lors qu'elle n'est pas une menace pour les populations. La légitimité de la souveraineté des États est justement leur capacité à protéger leur population : ceux qui y dérogent portent donc atteinte à leur propre souveraineté. Cette responsabilité incombe d'ailleurs avant tout aux États.