Intervention de Pierre Burban

Réunion du 11 mai 2016 à 16h15
Mission d'information relative au paritarisme

Pierre Burban, secrétaire général de l'Union professionnelle artisanale, UPA :

Le droit français du travail est souvent un droit virtuel. Juridiquement, ces salariés étaient bénéficiaires du dispositif mais, en pratique, les FAF ne les finançaient pas, si ce n'est dans de rares cas, car ils considéraient ces salariés comme non prioritaires.

Afin de devenir une organisation représentative, l'UPA a dû déposer un dossier auprès du ministère du travail et faire l'objet d'une enquête en représentativité, qui a abouti à un accord en 1983. À l'époque, les règles n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui : on n'établissait pas de liste des organisations ayant le droit de négocier ; dès lors qu'une organisation était considérée comme représentative, elle pouvait siéger dans certaines instances placées auprès du Gouvernement, en particulier au sein de la Commission nationale de la négociation collective, et était obligée de participer à toutes les négociations. Le droit du travail est ainsi fait qu'aucun accord ne peut être négocié si toutes les parties représentatives ne participent pas à la négociation.

Il est une autre raison pour laquelle l'UPA continue à considérer le dialogue social et le paritarisme comme importants et méritant d'être développés : nous ne souhaitons certes pas la suppression totale du droit du travail, mais nous plaidons en faveur de sa simplification. Lors du débat sur les lois Aubry I et II, le Parlement s'est mis à discuter de la question des temps d'habillage et de déshabillage des salariés : l'UPA, tout en respectant les travaux parlementaires, estimait que cette question ne se posait pas pour tous les salariés français. Nous avons toujours considéré qu'il fallait recentrer le champ des règles définies par la loi et laisser aux partenaires sociaux, en particulier au niveau des branches professionnelles, le soin de définir les règles applicables aux entreprises et à leur fonctionnement.

Le débat sur les rôles respectifs de l'État et des partenaires sociaux est récurrent en France depuis 1945, et il fut d'ailleurs une époque où c'était l'État qui venait chercher ces derniers. C'est le général de Gaulle qui a sollicité le CNPF et les syndicats de salariés – en particulier l'organisation syndicale qui constituait le partenaire le plus régulier – pour négocier l'accord créant un régime d'assurance-chômage en France. C'est moins vrai aujourd'hui, mais le débat relatif aux domaines de la loi, du règlement et des accords a toujours existé – au moins depuis que j'ai le plaisir de travailler sur ces sujets.

En 2000, les partenaires sociaux ont discuté de ce que l'on a appelé la refondation sociale. Dans ce cadre, ils ont abouti à une position dite commune qui a été signée par les trois organisations patronales et par quatre organisations syndicales sur cinq – la CGT étant la seule à ne pas l'avoir fait – sur les voies et moyens permettant de développer le dialogue social dans notre beau pays.

Sur cette base, l'UPA a négocié avec les cinq organisations syndicales de salariés un accord, signé le 12 décembre 2001 et célèbre en raison des nombreux contentieux qu'il a suscités, relatif au développement du dialogue social dans l'artisanat. Encore une fois, si l'UPA a signé cet accord, c'est qu'elle considère qu'on peut, par la négociation, définir des règles adaptées aux entreprises que nous représentons et à leurs salariés. Cet accord fonde la vision de l'UPA en matière de dialogue social et reste entièrement d'actualité, y compris au regard du projet de loi actuellement en cours d'examen au Parlement.

L'accord vise deux objectifs. Il part du constat que les entreprises que nous représentons sont dans leur immense majorité petites voire très petites, qu'elles ne peuvent pas négocier d'accords d'entreprise, mais qu'il faut néanmoins créer pour elles les conditions d'un dialogue social. Le premier objectif de l'accord de 2001 est donc de renforcer la négociation au niveau des branches professionnelles. La branche se situant au niveau national et étant par conséquent assez éloignée de l'entreprise, le second objectif est de créer les conditions d'un dialogue social territorial. Nous avons donc instauré des commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l'artisanat. Celles-ci n'ont pas à négocier puisque cette mission revient aux branches professionnelles ; en revanche, elles peuvent traiter de tous sujets pouvant intéresser la relation entre l'employeur et ses salariés.

Le dialogue social doit aussi être adapté à la réalité du monde économique français. On nous dit souvent qu'il faut développer la négociation d'entreprise. Malheureusement, on ne compte chaque année que 40 000 accords signés dans les quelque 1,16 million d'entreprises qui emploient des salariés. Et qui dit 40 000 accords ne dit pas 40 000 entreprises, puisque certaines entreprises signent plusieurs accords ; mais faisons simple. Il reste donc environ 1,12 million d'entreprises qui ne signent pas d'accord. Il faut permettre à celles-ci de signer des accords au niveau des branches professionnelles.

Le projet de loi El Khomri prévoit la possibilité pour les accords d'entreprise de déroger aux accords de branche. Nous ne sommes pas contre l'accord d'entreprise, mais le texte aurait dû, selon nous, confier aux branches le soin de définir le ou les domaines dans lesquels les entreprises peuvent déroger aux accords de branche. Il est des champs dans lesquels il faut maintenir une solidarité entre les entreprises.

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