Intervention de Pierre Burban

Réunion du 11 mai 2016 à 16h15
Mission d'information relative au paritarisme

Pierre Burban, secrétaire général de l'Union professionnelle artisanale, UPA :

Je vous remercie, monsieur le président. Il est regrettable que la loi Larcher du 31 janvier 2007, qui confie aux partenaires sociaux le soin de négocier des accords chaque fois qu'il est question de droit du travail, n'ait pas été appliquée dans le cadre de la préparation de ce projet de loi. On ne réformera pas la France si l'on ne réunit pas certaines conditions. Le paritarisme et la négociation peuvent certes sembler poussifs et trop lents. Mais, lorsqu'on travaille en amont, on lève des obstacles. Pour réformer, il faut faire de la pédagogie. Au départ, nous étions très optimistes en entendant les annonces du Gouvernement et en apprenant qu'il avait confié à M. Jean-Denis Combrexelle une mission relative à l'évolution du dialogue social et à la création de la norme dans le champ du travail et à M. Robert Badinter une autre mission. Mais les choses se sont envenimées, car il n'y a pas eu ce temps indispensable de dialogue avec les partenaires sociaux.

En France, on a malheureusement souvent tendance à critiquer de manière négative le dialogue social et le paritarisme. Nous plaidons pour que la loi continue de définir de l'ordre public social, mais aussi pour que toutes les dispositions dont l'édiction suppose de connaître le fonctionnement de l'entreprise relèvent de la branche. Et, encore une fois, nous ne sommes pas contre les accords d'entreprise, sous réserve que la branche ait défini les champs dans lesquels l'entreprise peut signer des accords dérogatoires.

Lorsqu'on dresse un bilan du dialogue social de ces dernières années, on s'aperçoit que les partenaires sociaux n'ont pas à rougir de ce qu'ils ont fait. On nous parle de déficits, mais ils sont bien moindres que dans la sphère publique. Je citerai un exemple concret de la capacité des partenaires sociaux à faire bouger les lignes dès lors qu'un travail de pédagogie est effectué. Dans le domaine des retraites complémentaires, les partenaires sociaux, y compris du côté des syndicats de salariés, ont été capables de faire évoluer leurs positions, s'agissant notamment du critère d'âge de départ à la retraite. Certaines organisations ont accepté, dans l'accord AGIRC-ARRCO, de fixer ce critère à soixante-deux et à soixante-sept ans, alors qu'elles ne l'acceptaient pas ailleurs. L'objectif du dialogue social est tout de même d'assurer la pérennité de certains dispositifs. Ainsi, nous négocions actuellement sur l'assurance chômage. Or, on a souvent eu l'impression, en France, que l'on peut ad vitam aeternam dépenser plus que ce que l'on reçoit. La France a la chance d'être l'un des rares pays au monde où les banques prêtent encore facilement. Mais, en cas de tension sur les marchés financiers comme en 2008, la situation pourrait devenir catastrophique. C'est pourquoi je suis convaincu que l'on peut, grâce au dialogue, construire de manière intelligente et parvenir à des accords assurant la pérennité de nombreux dispositifs.

S'agissant des moyens humains, matériels et financiers des partenaires sociaux, la situation a, elle aussi, beaucoup évolué. Nous disposons désormais d'une Association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN) financée par une contribution identifiée – ce à quoi l'UPA est très favorable dans la mesure où elle nous évite de prélever sur des contributions existantes. Jusqu'à présent, une partie du financement des partenaires sociaux s'opérait via le financement de la formation professionnelle continue à l'insu des entreprises. L'AGFPN a le mérite de clarifier les choses.

Le travail indépendant est une notion que je connais bien car une grande partie des commerçants et artisans sont des travailleurs indépendants et non pas, comme Carlos Ghosn, salariés de leur entreprise – à quelques exceptions près. Il faudrait vraiment débattre des évolutions du travail indépendant dans notre beau pays car toutes les directions d'administration centrale pensaient que ce mode de travail était appelé à disparaître. On nous expliquait, à la Chancellerie et à Bercy, que la forme moderne était l'entreprise sociétaire. Nous avons toujours dit que cette forme n'était pas adaptée à toutes les situations : force est de constater que nous avions raison. Puis, la création du régime de l'auto-entrepreneur, devenu depuis la loi Pinel le régime de la micro-entreprise, est venue augmenter le nombre de travailleurs indépendants. Mais lorsqu'on analyse les chiffres, on s'aperçoit que de nombreuses personnes se sont inscrites à ce régime sans développer aucune activité et que celles qui développent une activité le font souvent à titre complémentaire, soit parce qu'elles cumulent des prestations de chômage et des revenus d'activité, soit parce qu'elles sont retraitées. Mais si l'activité économique repart vraiment, je ne suis pas sûr que l'on assistera à une explosion du travail indépendant.

Cela étant, la vision politique du père fondateur de ce type de dispositif, Alain Madelin, était tout autre. Il considérait – c'était en 1994-1995 – que le code du travail était un frein à l'emploi. Nous partageons en partie son analyse : le dispositif est aujourd'hui devenu d'une telle complexité que les artisans ne sont plus en mesure de connaître tout le code du travail. Alain Madelin partait du principe qu'il fallait développer un autre dispositif. Un rapport sur le travailleur économiquement indépendant a même été publié, sous le quinquennat précédent, par MM. Paul-Henri Antonmattei et Jean-Christophe Sciberras. Mais le travail indépendant tel qu'on le connaissait, celui des chefs de petites entreprises, est une tout autre chose. On met sous le vocable de travail indépendant des notions totalement différentes.

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