Pour ce qui est de notre vision du paritarisme futur, nous souhaiterions qu'un vrai travail de fond soit mené sur le rôle de l'État et celui des partenaires sociaux, avec une loi qui fixe l'ordre public social, à savoir les grands principes protégeant les salariés – sur ce point, nous sommes d'accord avec le rapport de M. Jean-Denis Combrexelle –, et des branches professionnelles qui aient une marge de manoeuvre pour définir ce que nous appelons « l'ordre public de branche ». N'oublions pas que la France est l'un des pays où la couverture conventionnelle est la meilleure. Certes, c'est un travail, à mon avis, titanesque : les choses ne peuvent pas se décider simplement à l'occasion des prochains scrutins présidentiel et législatif ; il faut que tous les acteurs se mettent autour d'une table pendant plusieurs mois. Mais la situation est mûre et, de notre point de vue, il faut vraiment ouvrir ce chantier.
C'est d'ailleurs le moment de le faire, car on travaille actuellement à la restructuration des branches, qui sont en effet trop nombreuses. Cela dit, il n'y en pas non plus 689 : on confond les branches et les identifiants de convention collective (IDCC). Par exemple, dans le secteur du bâtiment, il existe quarante-six accords locaux, qui sont considérés comme quarante-six branches. Si on y ajoute les quatre branches nationales, on compte au total cinquante branches, mais cela ne correspond pas à la réalité. De même, dans la boulangerie, il y a encore des accords locaux, notamment dans les Bouches-du-Rhône, qui sont eux aussi considérés comme des branches, ce qui n'a pas de sens. L'UPA est tout à fait favorable à ce que la branche soit définie au niveau national, ce qui n'empêchera pas, ensuite, de négocier au niveau territorial dans le cadre fixé par la branche.
Je ne crois pas trop à un regroupement global et à un régime unifié de protection sociale. Plus on aura des systèmes « mastodontes », moins on arrivera à les réformer. Je crois davantage à des démarches très pragmatiques et à de vrais partenariats qui poussent les acteurs à travailler ensemble. C'est peut-être moins spectaculaire, mais, à mon avis, on arrivera plus facilement à construire des dispositifs adaptés.
Je prends un exemple très concret. Lorsque je suis devenu président du conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) en 2001 – un peu par hasard, puisque nos amis du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) avaient quitté le navire –, j'ai fait un constat proprement hallucinant : au sein de la sphère de la sécurité sociale, les différents organismes travaillaient « en silo », il n'y avait pas de travail commun. Aujourd'hui, les choses ont beaucoup changé : la Caisse nationale de l'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), le Régime social des indépendants (RSI) et la Mutualité sociale agricole (MSA) travaillent ensemble au sein du groupement d'intérêt public (GIP) Union Retraite et sont en train de construire une réponse véritablement adaptée. Mieux encore : l'AGIRC et l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO) sont elles aussi membres du GIP Union Retraite, ce qui aurait été impensable il y a dix ans, car chacun voulait rester dans son coin. De plus, avec le numérique, on peut désormais faire des choses que l'on ne pouvait pas faire hier. Dès lors que les organismes travaillent ensemble, ce qui compte, du point de vue de l'assuré, c'est la qualité du service rendu, c'est-à-dire le front office davantage que le back office.
Regardons aussi ce qui s'est passé à Pôle Emploi. Je suis d'autant plus à l'aise pour en parler que l'UPA a été l'une des rares organisations – nous sommes souvent le vilain petit canard – à soutenir la fusion des associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC) et de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), car nous considérions que cette réforme avait du sens. On pensait qu'il serait très utile d'avoir un interlocuteur unique qui accompagne le chômeur à la fois dans sa recherche d'emploi et en matière de prestations. Or, la mise en oeuvre a posé des difficultés et, aujourd'hui, Pôle Emploi revient en arrière : on est en train de séparer de nouveau les deux métiers, qui sont effectivement différents. Il est difficile d'avoir un interlocuteur unique qui connaisse toutes les arcanes de tous les dispositifs. Car, nous faisons, nous aussi, dans la complexité : les prestations de chômage ne sont pas simples à déterminer, à calculer et à expliquer.
Néanmoins, vous avez totalement raison sur un point, Monsieur le rapporteur : il y a un vrai problème de formation des chômeurs. D'ailleurs, chaque nouveau gouvernement, quel qu'il soit, lance des plans de formation des chômeurs. Mais à mon avis, il y a d'autres réformes à faire avant de fusionner les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) avec Pôle Emploi. La réforme des OPCA n'est pas terminée et il reste des choses intelligentes à faire dans ce champ-là. En outre, veillons à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul : n'oublions pas la formation des actifs car, si on ne forme pas les actifs d'aujourd'hui, on risque de créer les chômeurs de demain !
Autre exemple : l'UPA a milité, contre l'avis des autres – nous étions là encore le vilain petit canard –, pour que les cotisations d'assurance chômage et les cotisations au régime AGS de garantie des salaires soient collectées par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), car cette mesure était cohérente et permettait de supprimer un collecteur. Par contre, nous ne sommes pas favorables à ce que les URSSAF collectent les cotisations pour l'AGIRC et l'ARRCO, car cela ne supprimerait pas de collecteur mais réduirait la collecte des organismes concernés : outre les cotisations pour l'AGIRC et l'ARRCO, ils collectent toutes les contributions conventionnelles ainsi que, très souvent, les cotisations d'assurance maladie complémentaire.
Selon nous, pour toute réforme, il faut adopter une démarche pragmatique et examiner quels effets, positifs ou négatifs, elle peut avoir.