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Intervention de Patrick Bernasconi

Réunion du 11 mai 2016 à 16h15
Mission d'information relative au paritarisme

Patrick Bernasconi, président du Conseil économique, social et environnemental, CESE :

Lorsque l'accord sur la représentativité syndicale a été transposé dans la loi, une partie a été modifiée, et lorsque nous avons à nouveau rencontré nos partenaires syndicaux pour évoquer d'autres sujets, le dialogue était sérieusement bloqué. La négociation devient très compliquée lorsqu'un texte a été dénaturé ; je comprends la volonté du Gouvernement et du Parlement d'exercer pleinement leur compétence, mais ma conviction est que, au moment où l'accord est passé, les négociateurs n'ont pas toujours eu le temps d'aller au bout de chaque idée ou de chaque proposition.

Il arrive que les partenaires soient pressés par la nécessité d'arriver à un accord dans un délai prescrit. Certes, des accords ultérieurs peuvent être conclus, mais il faudrait s'assurer d'un certain équilibre entre les propositions exprimées. Si une opposition trop forte s'exprime, l'action du législateur se voit limitée, faute de quoi les bornes de l'équilibre obtenu risquent d'être franchies. On pourrait imaginer, une fois l'accord passé, que le législateur propose de donner une chose à l'une des parties et autre chose à l'autre partie, mais il faut s'assurer auprès des signataires et de ceux qui se sont engagés qu'un certain équilibre est respecté. Dans cette perspective, le législateur pourrait conserver une certaine marge de manoeuvre ; il saisirait les partenaires sociaux d'un sujet afin qu'un accord soit trouvé, mais, si celui-ci ne répondait pas à la question, la responsabilité reviendrait au Parlement.

Le paritarisme n'est certes pas un système parfait, mais il tient une place importante dans notre culture et crée du lien social. Je ne conteste pas que, là comme ailleurs, beaucoup de progrès restent à faire, par exemple en formant mieux les personnes, notamment dans nos entreprises. À la SMABTP, société d'assurance que je préside, nous avons créé une base de données ; si nous souhaitons l'utiliser dans l'esprit où nous l'avons conçue, c'est-à-dire comme un outil actif d'information grâce auquel les partenaires de négociation s'engagent dans une vraie discussion, il faut former les représentants des salariés. Cela ne se fera pas du jour au lendemain mais c'est, à mes yeux, le seul moyen de sortir du chemin classique, bien connu en France, où les syndicats sont contestataires et le patronat conservateur, les deux nourrissant mutuellement leurs oppositions.

C'est pourquoi il faut changer de terrain et construire un syndicalisme plus actif au sein de l'entreprise – à la condition que celle-ci soit mieux comprise –, un syndicalisme plus orienté vers le service. C'est ainsi que pourra changer le regard porté sur la représentation des uns et des autres. Je ne prétends pas que la chose est simple et il n'existe pas de solution parfaite. Nous savons tous ce que produisent les passages en force, notamment lorsque les choses sont mal expliquées ; nous vivons dans un pays où ces pratiques sont mal vécues. Le passage en force est contre-productif et le temps que l'on croit gagner peut rapidement être perdu si l'on n'a pas bien expliqué ce que l'on veut faire. Le CESE est, à cet égard, un bel outil de dialogue.

Le CESE n'est pas seulement le lieu du dialogue social, nombre de ses membres le disent, particulièrement ceux qui relèvent de collèges tels que les associations et les mouvements environnementaux. À l'époque où il n'était que le lieu des partenaires sociaux et que le débat avait lieu ailleurs, il avait malheureusement beaucoup de mal à exister. Le général de Gaulle était opposé au Sénat mais il considérait que le CES avait le mérite de permettre un jeu entre les acteurs de la société civile à côté des acteurs de la société politique.

On peut s'interroger sur la légitimité du CESE en termes de représentativité : représente-t-il bien la société civile organisée ? Cette question ne sera pas facile à résoudre, et elle dépend des points de vue ; elle n'en mérite pas moins d'être débattue. Cette institution peut-elle devenir le lieu du dialogue social, en recourant à des tiers ? Une solution volontariste consisterait en ce que les partenaires sociaux s'accordent et s'installent au CESE, ce qui serait le plus simple ; une autre consisterait à imposer manu militari le Conseil comme lieu de négociation. Toutefois, une nouvelle voie est peut-être en train de s'ouvrir ; l'accord sur les travailleurs détachés le prouve, car il résulte d'une négociation de fait, alors que, comme je l'ai indiqué, il n'aurait pas pu résulter d'une négociation classique.

Nous venons d'avoir une discussion portant sur l'assurance chômage des intermittents du spectacle : c'est bien dans nos murs qu'elle a eu lieu. Aujourd'hui, une interrogation porte sur le dialogue social. Ces questions sur la négociation interprofessionnelle ont toujours fait débat et restent pendantes. Lorsque nous avons débattu de la représentativité, le sujet n'a pas été traité, pas plus qu'il ne l'a été au moment de la transcription législative des accords du 11 janvier 2013 ; il va être repris par le CESE, et, à l'avenir, nous travaillerons de plus en plus sur ce type de sujets. Plusieurs voies sont ouvertes. Dans la mesure où le dialogue social est actuellement bloqué dans son schéma classique de négociation, il me semble qu'un certain nombre de sujets demeurant en souffrance sont susceptibles d'être abordés avec plus de souplesse au Conseil.

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