Intervention de Dominique Langlois

Réunion du 12 mai 2016 à 9h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Dominique Langlois, président de l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes, INTERBEV :

Bien sûr, et c'est justement ce qui explique que la profession se soit mobilisée sur cette question. On ne peut pas avoir de gros abattoirs partout. Les petits abattoirs ont leur pertinence en termes de proximité et d'aménagement du territoire, mais n'ont pas toujours la capacité d'investir dans du matériel moderne, conforme aux normes ; un restrainer inadapté complique la tâche du salarié, même sans volonté de maltraitance. Il fallait mettre de l'ordre, et surtout ne pas s'exposer sur ce sujet particulièrement sensible, d'où l'élaboration de notre guide de bonnes pratiques pour le bien-être animal pour mettre un terme à certaines dérives.

Il est difficile de mesurer l'impact de ces affaires sur la consommation. En période de crise, nous suivons deux indicateurs : le « pic » au niveau de la presse et des réseaux sociaux, et les résultats de nos enquêtes auprès des collèges distribution. Depuis le début de l'année, la baisse de la consommation est légèrement plus forte qu'en 2015 : il y a donc bien un impact, mais le pourcentage correspondant ne sera connu qu'au bout d'un certain temps. La crise de la viande de cheval avait connu deux phases : d'abord, une très forte réaction de rejet du consommateur, aux yeux duquel la traçabilité était devenue inutile et la tricherie générale ; ce à quoi nous avons répondu avec une communication sur le renforcement de l'étiquetage d'origine au moyen du logo « Né, élevé, abattu et transformé en France ». La Commission a donné son accord pour une expérimentation en France, mais le décret n'est toujours pas publié, et certains acteurs industriels refusent toujours le « et transformé ». L'impact d'une crise est donc plus facilement mesurable dans un deuxième temps car, malgré les chiffres de vente, l'effet stock joue à court terme. Nos derniers indicateurs sortiront fin juin : nous verrons si la courbe s'est inversée en tendanciel plus fortement que la courbe de baisse actuelle.

Ces affaires, dommageables pour la profession et choquantes pour les salariés, ne sont évidemment pas de nature à attirer des jeunes – filles ou garçons – vers nos entreprises, au sein desquelles le pourcentage de femmes n'est pas négligeable. Nos métiers sont en tension : le besoin de renouvellement des générations est important. Nous avons donc engagé plusieurs actions : le développement de la formation, la révision des classifications – l'appellation « ouvrier polyvalent des industries des viandes », plus valorisante, a remplacé celle d'abatteur, par exemple ; la mise en place d'un site internet intitulé « Je deviens boucher », où distributeurs et industriels peuvent s'inscrire et s'engager à recevoir des candidats au CAP boucherie ou au poste d'ouvrier d'abattoir.

Par ailleurs, nous développons trois axes : l'accompagnement des nouveaux salariés par des tuteurs, c'est-à-dire des personnes expérimentées ; la polyvalence, pour éviter aux salariés de rester sur un poste difficile, et leur permettre de passer des échelons supplémentaires pour voir leur rémunération évoluer ; un plan de carrière enfin pour les jeunes en CAP. Dans nos industries, l'encadrement intermédiaire est issu à 90 % de la base, c'est-à-dire des ouvriers : la formation au métier d'agent de maîtrise en abattoir n'existe pas, le métier s'apprend sur le terrain. Face à la problématique de renouvellement de génération, notre rôle en matière de formation et d'accompagnement des jeunes dans les entreprises de la viande est très important. Car même si beaucoup de postes peuvent être automatisés, cela est plus facile dans le secteur du porc que dans le secteur du bovin – le premier est standard, le second disparate avec des petites et de très grosses carcasses –, et l'automatisation dans le désossage nécessite une capacité d'investissement importante, or les marges de l'industrie de la viande sont très faibles, de l'ordre de 0,70 euro pour les meilleurs. Sans oublier que certains postes, comme le désossage, resteront toujours manuels.

Les RPA devront être présents dans tous les abattoirs, quelle que soit leur taille, dès lors que le texte à ce sujet sera publié. Nous avons salué la proposition de leur donner le statut de lanceur d'alerte. Mais il faut aller plus loin, car on peut imaginer qu'ils subiront des pressions, et pas seulement de la direction. Les RPA doivent donc bénéficier d'une protection, comme celle des lanceurs d'alerte en matière de santé et d'environnement depuis la loi du 16 avril 2013, y compris en cas de changement de poste, à l'image de la protection des représentants du personnel pendant la durée de leur mandat et six mois après la fin de ce mandat. Grâce à un statut assorti d'une protection, les RPA pourront exercer leur rôle, qui est important et nécessite une formation, en signalant les anomalies, selon les cas, au directeur et au service qualité, au responsable de chaîne, au préposé vétérinaire, voire au vétérinaire.

De même, nous saluons l'annonce de la création d'un délit de maltraitance aux animaux, assorti de sanctions pénales à l'encontre des responsables d'abattoir. Au regard de la taille des abattoirs, la question se pose de savoir quel niveau sera concerné – le dirigeant ou le délégataire, ou les deux ? En tout cas, ce délit spécifique permettra de verrouiller le dispositif : seuil de 1 000 UGV supprimé pour la présence du RPA, statut protecteur pour le RPA ; sanction des dirigeants en cas de mauvais traitements aux animaux, car un responsable d'entreprise doit avoir connaissance de ce qui se passe dans son établissement.

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