Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 2 mars 2016 à 16h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente :

Mes chers collègues, mesdames et messieurs, c'est avec un grand plaisir que j'ouvre ce colloque en présence de notre nouvelle ministre chargée des droits des femmes, Mme Laurence Rossignol, dont je tiens à saluer l'engagement déterminé pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

La Délégation aux droits des femmes a souhaité organiser ce colloque sur la place des femmes dans la fonction publique d'État, et notamment dans la haute fonction publique, pour procéder à un premier bilan de la loi Sauvadet, faire le point sur les avancées intervenues depuis lors et identifier les obstacles que les femmes peuvent rencontrer.

La loi Sauvadet, adopté en mars 2012, juste à la fin de la dernière législature, est une loi importante, qui constitue une étape vers l'égalité professionnelle dans la fonction publique. À l'époque, avec ma collègue Marie-Jo Zimmermann, alors présidente de la Délégation, nous avons enrichi le texte en y ajoutant un titre III comportant des dispositions relatives à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations. Celui-ci introduisait, notamment, des objectifs chiffrés de représentation équilibrée dans l'encadrement des trois fonctions publiques, avec 40 % de femmes d'ici à 2018. Je n'avais pas déposé d'amendements pour porter ce taux à 50 %, mais j'ai des réserves sur le principe même de quotas, une notion distincte de la parité. Ils sont néanmoins acceptables en l'occurrence en ce qu'ils s'inscrivent dans le cadre d'une montée en puissance.

Par la suite, la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, portée par Mme Najat Vallaud-Belkacem, a avancé cette échéance à 2017, concernant l'objectif de 40 %.

La loi prévoyait une représentation équilibrée des deux sexes dans les conseils d'administration, les conseils de surveillance, les organes équivalents des établissements publics, les jurys de recrutement, les comités de sélection et les instances de dialogue social.

Nous avions prévu dans la loi des sanctions financières en cas de non-respect de ces obligations. Nous aurions souhaité la nullité des décisions. À défaut, nous avons obtenu la nullité des nominations, mais je serais curieuse de savoir si certains ont vu leur nomination annulée pour non-respect de la parité.

La Délégation est pleinement dans son rôle quand elle évalue les politiques publiques. J'ai souhaité organiser ce colloque à l'occasion de la journée du 8 mars, et quatre ans après l'adoption de la loi de mars 2012.

Malheureusement – et nous le soulignons à propos de presque tous les textes – nous manquons encore de statistiques sexuées fines, nécessaires pour mener une analyse précise de la réalité dans la fonction publique. Nous manquons, notamment, de statistiques sur les métiers exercés par les femmes, et sur les métiers exercés en majorité par des hommes, mais en cours de féminisation. Sur ce plan, le dernier rapport de situation comparée de la fonction publique est encore un peu moins clair que le précédent, nettement moins facile à lire, et pas plus sexué. J'invite donc le ministère de la fonction publique à retravailler ses statistiques, que l'on peut consulter sur internet. Je tiens toutefois à saluer une exception : la gendarmerie et la police, qui tiennent des statistiques précises. Mme Régine Desforges nous en parlera peut-être tout à l'heure.

Un autre élément positif mérite d'être souligné : la signature, par les pouvoirs publics et les représentants syndicaux, du protocole d'accord du 8 mars 2013, relatif à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique, qui prévoit notamment l'élaboration annuelle d'un rapport de situation comparée dans le cadre des bilans sociaux, outre le rapport annuel sur l'égalité professionnelle dans la fonction publique. Ce rapport est très précieux, dans la mesure où il permet d'apprécier les avancées et de donner des directions. Je pense que Mme Soulay nous en parlera.

Pourquoi nous sommes-nous emparés de ce sujet ? Aujourd'hui, la parité en nombre est atteinte dans les trois fonctions publiques. Les femmes sont même majoritaires : il y a 61 % de femmes parmi les fonctionnaires. Il y en a 54 % dans la fonction publique d'État, sachant que ce pourcentage est dépassé dans l'éducation nationale, et bien plus bas dans l'armée. Le taux de féminisation de l'armée n'est en effet que de 15 %, ce qui constitue malgré tout le plus fort taux de féminisation des armées d'Europe. Il faut d'ailleurs préciser que la mixité dans les armées est un phénomène récent.

Mais si les femmes ont une place importante au sein des fonctions publiques, elles rencontrent de nombreux obstacles dans leur carrière.

Premier obstacle : les femmes s'orientent encore majoritairement vers des métiers réputés féminins. Selon les statistiques de 2014 : dans l'éducation nationale, elles représentent 70 % des agents, et dans les ministères sociaux, 65 % des agents. Dans la fonction publique territoriale, on dénombre 96 % de femmes dans les filières sociales et médico-sociales. Et dans la fonction publique hospitalière, neuf agents sur dix sont des femmes. Par contre, chez les ouvriers d'État, 87 % des agents sont des hommes.

Deuxième obstacle : la proportion des femmes dans les emplois d'encadrement ne reflète nullement leur place réelle. Les emplois de direction dans la fonction publique restent globalement encore très masculins : il n'y a que 26 % de femmes dans les directions de la fonction publique d'État, 35 % dans la fonction publique territoriale, et 45 % dans la fonction publique hospitalière.

La fonction publique hospitalière est toutefois un bon exemple d'une politique volontariste qui a permis d'accroître le nombre des directrices d'hôpitaux. Mme Marisol Touraine m'a raconté qu'à son arrivée, on lui avait expliqué qu'il était difficile de nommer des femmes à la direction des hôpitaux, parce qu'il n'y avait pas de vivier suffisant. Elle a donc procédé de la façon suivante : quand un poste se libérait, elle demandait qu'on lui propose trois personnes, dont une de sexe différent des deux autres. Cela lui a permis de nommer des femmes. Ensuite, d'autres femmes, constatant qu'il était possible de devenir directrice d'hôpital, se sont portées candidates. De fait, quand les femmes se sentent barrées ou s'aperçoivent qu'elles n'obtiennent jamais tel ou tel poste, elles finissent par ne même plus le demander.

La situation est un peu différente dans la magistrature – peut-être Mme Joly-Coz nous en parlera-t-elle – puisque 62 % des magistrats sont des femmes. Mais elles sont beaucoup moins nombreuses dans les hautes fonctions de la magistrature : cours d'appel, Cour de cassation, etc.

Troisième obstacle : l'inégalité des salaires. S'agissant de la fonction publique, cela étonne. Pourtant, la moyenne des salaires des femmes y est de 1 270 euros, et celle des hommes de 1 670 euros. Cela s'explique de deux façons. Premièrement, les temps partiels sont beaucoup plus fréquents chez les femmes ; 22 % des femmes, dans la fonction publique sont à temps partiel, sans que l'on sache s'il s'agit d'un temps partiel choisi. Deuxièmement, les primes sont très inégalement réparties entre les hommes et les femmes. Et ce n'est pas une donnée facile à obtenir, car on ne fait pas état de ses primes. Il faudrait donc que les primes, et notamment les primes au mérite, soient publiées. En outre, les femmes travaillent moins souvent dans les secteurs où les primes sont importantes. Par exemple, dans les collectivités locales, les services techniques reçoivent davantage de primes que les services sociaux ou les écoles. Et je passe sur les retraites…

Comme je l'ai dit au début de mon propos, la loi Sauvadet a permis de rééquilibrer, dans les trois fonctions publiques, la place des femmes dans les postes de direction.

En 2012, un ministère des droits des femmes de plein exercice a été créé. La même année, un comité interministériel aux droits des femmes a généralisé dans l'ensemble des ministères l'élaboration de feuilles de route destinées à mesurer et à résorber les inégalités dans la fonction publique.

Enfin, dans chaque ministère, un haut fonctionnaire à l'égalité a été nommé auprès du ministre. Nous y reviendrons au cours de ce colloque, sans doute avec Mme Genthon, qui est haut fonctionnaire à la promotion de l'égalité au ministère de la culture, et avec M. Prince, qui est délégué à la diversité et à l'égalité professionnelle au ministère des finances.

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