Intervention de Dominique Prince

Réunion du 2 mars 2016 à 16h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Dominique Prince, délégué à la diversité et à l'égalité professionnelle au ministère des finances et des comptes publics :

Je suis le premier à constater qu'il y a encore beaucoup de progrès à faire. D'ailleurs, la parité n'aurait pas été atteinte si ma directrice, que vous aviez invitée, avait pu se déplacer. Elle m'a d'ailleurs chargée de vous présenter ses regrets et ses excuses.

Mais comment les ministères se sont-ils saisis de la question de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ?

Je vais vous expliquer, et ce sera le fil de mon rapide exposé, pourquoi j'interviens comme « délégué à la diversité et à l'égalité professionnelle » et non comme « haut fonctionnaire à la promotion de l'égalité ». En fait, je cumule les deux fonctions, mais chronologiquement, j'ai d'abord été Délégué à la diversité et à l'égalité professionnelle, parce que cette dynamique a été lancée à Bercy en 2009 – donc avant 2012, date de la mise en place du réseau des hauts fonctionnaires à la promotion de l'égalité par la DGAFP.

Ainsi, en 2009, les ministres à Bercy, et singulièrement Mme Christine Lagarde, ont lancé une dynamique importante sur les sujets de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité professionnelle dans la politique des ressources humaines des ministères économiques et financiers – Bercy, pour faire plus court.

Quelles sont les caractéristiques qui nous ont conduits à nous saisir de ce dossier ? J'en citerai trois, qui me semblent essentielles.

Première caractéristique : c'est une politique qui a été conçue immédiatement comme devant être une partie intégrante de la politique des ressources humaines (RH) des ministères, et par ailleurs comme une politique devant être ancrée durablement dans cette politique RH, et donc faire l'objet d'une attention et d'un portage de long terme.

Cette option explique que cette politique a été outillée et immédiatement armée. Elle a été outillée d'abord par la mise en place d'un délégué, dont j'occupe aujourd'hui la fonction – je suis le deuxième titulaire de ce poste. Ce délégué consacre la totalité de son activité professionnelle à cet exercice de portage et de pilotage des politiques de promotion de l'égalité et de lutte contre les discriminations.

Ce délégué, que je suis aujourd'hui, s'appuie sur un réseau de référents « diversité » qui existe dans chacune des directions métiers du ministère. Et ce réseau de référents « diversité égalité » nationaux pilote lui-même un réseau de référents « diversité égalité » locaux, qui permettent de diffuser cette politique au plus près des services qui sont, comme vous le savez, s'agissant des ministères de Bercy, très dispersés sur le territoire – avec des implantations qui sont à la fois interrégionales, régionales, départementales et infradépartementales. Il y a là une dimension opérationnelle importante à prendre en compte.

J'anime moi-même tous les mois un comité de pilotage des référents nationaux, qui suit la mise en place de ces politiques. On procède donc à un suivi rapproché, et à une mise à niveau de tous les outils du référentiel professionnel des responsables RH qui peuplent la totalité des services de Bercy, pour inclure, dans toutes les circulaires, dans tous les guides, dans tous les référentiels, sur lesquels ces responsables RH et les managers s'appuient, des mentions très explicites sur les obligations qui sont les leurs en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité professionnelle. C'est une politique ministérielle qui a été conçue immédiatement pour être ancrée de manière durable et très forte, et très visible, dans la politique RH du ministère.

Deuxième caractéristique, qui montre comment nous nous sommes saisis du sujet : c'est une politique qui a fait l'objet d'un dialogue social très intense à Bercy.

Cette politique a remporté des succès variables, et en tout cas un succès notable : le premier plan d'action pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes qui a été mis en oeuvre a été entièrement négocié et co-écrit avec les organisations syndicales au cours de l'année 2010, et signé sous forme d'un accord professionnel unanime en 2011.

Ce dialogue social me paraît être un élément fondamental, qui conditionne le succès et les avancées de ces politiques. Évidemment, dans des structures aussi complexes que les nôtres, il faut qu'il y ait le maximum de personnes et de structures à bord.

Troisième caractéristique : c'est une politique qui a été immédiatement orientée vers des plans d'action qui se veulent multithématiques.

On a eu une approche assez globale de la question de l'égalité professionnelle, en partant du constat que l'on peut décliner cette question opérationnellement en thèmes et en sous-thèmes mais qu'en fait, toutes ces questions sont intimement liées. Cela a été largement développé par les intervenantes précédentes.

Nous avons voulu ouvrir simultanément une série importante de chantiers, dans des directions très diverses. Bien sûr, on peut rencontrer des difficultés, se disperser. Il arrive que certains chantiers n'avancent pas au même rythme. Mais on préserve l'approche globale du sujet, ce qui permet une meilleure adhésion de la part des personnels et des services.

J'illustrerai ce qui me semble constituer les points forts des plans d'action mis en place à Bercy.

Premier point fort : un plan de formation – on l'a dit tout à l'heure, la formation est très importante en la matière – obligatoire pour la totalité des managers et des responsables RH des administrations financières. Ainsi, 35 000 personnes ont été formées dans des modules variant entre une journée et deux journées, de 2010 à 2013. Ce plan a été déployé en interne, avec des formateurs bénévoles qui portaient ces formations au plus près du terrain sur leur temps de travail.

Deuxième point fort lié à la lutte contre toutes les discriminations, et évidemment les discriminations liées au sexe et au genre : la mise en place, en 2011, d'une cellule de prévention des discriminations, ouverte à la totalité des agents – bien entendu en dehors de la voie hiérarchique, et jamais de manière anonyme. Cette cellule reçoit à peu près 150 appels par an. Et depuis sa création, le thème de la discrimination entre les femmes et les hommes fait constamment partie des deux ou trois premiers thèmes évoqués. Le sujet est donc bien vivant, et toujours devant nous. Cette cellule contribue, selon moi, à faire émerger aussi bien des situations individuelles, que des situations de discrimination potentielle plus « systémique », et nous permet d'agir.

En dehors de ces deux points extrêmement forts, nous avons mis en place, de manière assez anticipée par rapport aux directives de la fonction publique, un système de formation et de féminisation des jurys. La totalité des jurys aujourd'hui sont paritaires, qu'il s'agisse des présidences ou qu'il s'agisse des membres des jurys, et tous sont systématiquement formés avant l'ouverture d'un concours – concours interne, concours externe ou examen professionnel – à la lutte contre la discrimination et à la maîtrise des stéréotypes.

La question des stéréotypes fait également partie des axes forts de notre action de communication et de sensibilisation interne. Un plan de communication pluriannuel est en cours. Il très axé sur ces questions de maîtrise des stéréotypes, notamment des stéréotypes de sexe. Dans ce cadre, nous organisons des évènements, et nous mettons en place des supports de communication et de sensibilisation permanents, de type affichage. Il s'agit d'interpeller, dans les services ou dans les locaux communs, sur les stéréotypes que tout un chacun peut porter.

Je ne reviendrai pas sur la question du plafond de verre et sur le dispositif relatif aux nominations équilibrées issu de la loi Sauvadet, qui a été amplement développée tout à l'heure. Simplement, s'il est vrai que Bercy a été un mauvais élève certaines années, 2015 fut meilleure et 2016 le sera probablement aussi. Malgré tout, dans ces matières, rien n'est jamais gagné. Chaque année, on s'aperçoit que certains sujets que l'on pouvait croire clos ne le sont pas.

J'insisterai sur deux derniers points.

Premier point : la mise en place d'un certain nombre d'éléments d'une politique de conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Pour l'année à venir, notamment, nous allons lancer deux sujets un peu délicats en gestion. Nous allons d'abord engager une expérience de temps compressé, qui permet d'éviter le recours systématique, plus ou moins volontaire, par les femmes majoritairement, au temps partiel. Nous allons ensuite revenir sur des règles de gestion qui sont très ancrées dans nos ministères, et qui imposent des mobilités professionnelles géographiques à l'occasion de certaines promotions. Cela pose également un certain nombre de difficultés en termes de dialogue social.

Second point : nous ouvrons un certain nombre de réflexions et d'actions, de formation, de sensibilisation, et de mise sous tension de nos experts, sur la lutte contre les violences faites aux femmes – qu'il s'agisse de lutter contre ces violences dans le milieu professionnel ou de détecter des signaux faibles de violences domestiques ou extérieures.

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