Intervention de Myriem Mazodier

Réunion du 2 mars 2016 à 16h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Myriem Mazodier, présidente de la commission Femmes de l'Association des anciens élèves de l'ENA :

Merci, madame la présidente, c'est d'ailleurs un point sur lequel je vais conclure.

La commission Femmes a été créée par le conseil d'administration de l'Association des anciens élèves de l'ENA le 13 mars 2006, il y a donc dix ans. Pourquoi si tard ? Quels sont ses apports ? Et quelles sont nos préoccupations ?

Pourquoi si tard ? D'autres associations d'anciens élèves ont créé leurs associations « femmes » avant l'ENA. Je pense que cela vient du fait que nous avions une vision idéale de la fonction publique. En 1945, l'ENA était révolutionnaire dans la mesure où c'était l'une des premières écoles mixtes. Par la suite, nous sommes restés dans le rêve d'une égalité théorique qui aurait été également une égalité réelle. Il faut reconnaître que les barrières qui existaient au départ avaient été peu à peu levées : les femmes avaient pu rentrer dans la préfectorale à partir de 1974 ; on retrouvait des femmes dans le haut du classement un peu dans tous les corps. Aussi le conseil d'administration a-t-il assez étonné lorsque des femmes – dont ma voisine, Agnès Arcier – ont demandé la création d'une commission Femmes. L'idée était que l'égalité aux concours existait, mais pas l'égalité d'accès aux emplois publics supérieurs.

Pour ce colloque, j'ai relu le compte rendu de cette réunion du conseil d'administration. Il est assez amusant de noter la timidité de la présentation puisqu'il y était indiqué que : « en dépit des garanties statutaires, on peut se demander si le fameux plafond de verre n'existerait pas également dans la haute fonction publique ».

Quels sont les apports de la commission ? Déjà, on n'écrirait plus de genre de phrase. On sait désormais que le plafond de verre existe. La Commission a donc permis de faire circuler l'information et d'exploiter les statistiques. Elle a fait appel à un certain nombre de chercheuses, du CNRS et de l'École normale supérieure (ENS), qui nous ont apporté le fruit de leurs études. Elle a échangé avec des responsables étrangers, des hommes politiques en faveur de la féminisation des cadres. Cela nous a montré que la problématique française n'était pas très différente de celle de la plupart des autres pays, et qu'il y aurait sans doute à s'inspirer de telle ou telle mesure prise ici ou ailleurs.

L'intérêt d'être une commission, et pas une association, est que l'information ne circule pas uniquement en interne. Cinq fois par an, le conseil d'administration se réunit et écoute ce que dit la présidente de la Commission « femmes ». Ces messieurs sont obligés d'entendre les chiffres, les indications que nous leur donnons, même si certains n'hésitent pas à montrer que ce n'est pas le moment le plus passionnant du conseil. Le premier apport de cette commission est donc de faire circuler l'information.

Elle permet de se rapprocher de l'ENA pour travailler en commun concernant l'offre de formation initiale et continue. Je pense notamment au fameux séminaire organisé par l'École nationale de la magistrature (ENM) et l'ENA, séminaire de deux jours sur le management féminin qui a abouti, quelques mois après, à la création du réseau « Femmes de justice ».

De la même façon, nous avons des rencontres avec des élèves en cours de scolarité, un peu à l'initiative des délégués de promotions. Cela dépend de l'intérêt que ces délégués attachent à la question, mais il en est résulté des rencontres tout à fait intéressantes.

Le plus important, je crois, dans le travail de la commission, c'est l'aide que nous apportons aux parcours. Nous avons créé le « marrainage », terme que nous avons choisi à dessein différent de ceux figurant dans les circulaires de la fonction publique. Car nous ne faisons pas du coaching, ni du tutoring, ni du monitoring – on nous a expliqué quelle était la différence entre toutes ces actions. Notre objectif est relativement simple : donner de l'ambition. En effet, ce n'est pas parce que l'on est entré à l'ENA que l'on a obligatoirement de l'ambition. Beaucoup de nos camarades hommes ont comme ambition de devenir député, Président de la République, etc. Les femmes se demandent plutôt si peut-être, à la fin de leur carrière, elles pourront devenir chef de service. D'où ce marrainage, qui prend la forme d'un binôme entre une femme ayant obtenu un haut poste dans la fonction publique et une autre qui a trois ou quatre ans d'expérience. Cela donne d'excellents résultats.

Quelles sont nos préoccupations ? Nous en avons deux.

En premier lieu, le recrutement. Comme vous l'avez remarqué, madame la présidente, le pourcentage des femmes reçues à l'ENA qui était de 40 % il y a deux ans, s'est stabilisé autour de 30-33 %. C'est d'autant moins satisfaisant que notre objectif est d'atteindre 40 %. Malheureusement, nous sommes toutes des bénévoles, et nous n'avons pas la possibilité de prendre notre bâton de pèlerin pour aller rappeler dans toutes les universités que les femmes peuvent aussi passer le concours.

En second lieu, pour revenir à ce que disait Brigitte Grésy tout à l'heure, nous nous inquiétons du fait que l'accueil du public masculin nous semble plus mitigé qu'il y a quelques années. Je parle de l'accueil de ce que nous disons et de ce que nous faisons au sein de la Commission « femmes ». Le phénomène paraît marqué dans les jeunes générations. Des hommes fonctionnaires disent, parfois assez franchement, ne pas comprendre pourquoi ils sont privés de « marrainage », pourquoi certaines mesures ne les concernent pas, pourquoi il existe des quotas, alors que les femmes réussissent mieux leurs études que les hommes, etc.

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