Intervention de Hélène Duchêne

Réunion du 2 mars 2016 à 16h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Hélène Duchêne, présidente de l'association « Femmes et diplomatie » :

C'est vrai. M. Laurent Fabius s'est beaucoup engagé pour développer la parité au Quai d'Orsay.

Notre association a été créée en 2009. Elle a été créée parce que les femmes, à l'époque, considéraient que leur place au ministère des Affaires étrangères méritait d'être consolidée ; leur sentiment était qu'elles rencontraient des problèmes de mobilité et elles pensaient qu'il était nécessaire de s'organiser.

L'association a pour but de soutenir les femmes au sein du ministère pour qu'elles accèdent aux responsabilités. Il faut bien dire que le Quai d'Orsay, en règle générale, reflète plutôt la vision et les intérêts des hommes – il n'est que de penser, à cet égard, aux difficultés qu'il y a eu à nommer une femme ambassadrice à Pékin – et il n'est donc pas mauvais de faire entendre, chaque fois que cela est possible, le point de vue des femmes.

L'association regroupe actuellement un effectif d'environ 200 femmes, relevant principalement des emplois de la catégorie A, mais aussi des catégories B et C.

Nous animons le réseau en organisant des rencontres. Par exemple, nous avons reçu Mme Nicole Ameline qui nous a parlé de ses fonctions à l'ONU ; nous avons aussi accueilli l'ambassadrice de Suède.

Nous veillons à constituer un vivier de femmes au ministère. Ainsi, nous allons dans les écoles ou dans les universités pour inciter les femmes à passer les concours du Quai d'Orsay ; nous les incitons aussi à choisir la carrière diplomatique en cas de réussite à l'ENA.

S'agissant des recommandations que nous nous efforçons de faire prévaloir, je rejoins tout à fait ce qui a été dit par Mme Agnès Arcier : nos propositions sont, certes, des propositions qui intéressent avant tout les femmes ; néanmoins, dans la mesure où elles tendent aussi à la modernisation de l'administration, elles finissent par concerner l'ensemble des personnels.

Ainsi, l'une de nos propositions consiste en l'élaboration d'une charte du temps de travail. Il s'agit, pour les femmes, d'éviter les réunions tardives ou les réunions le week-end, afin d'établir une meilleure articulation entre vie personnelle et vie professionnelle. Bien entendu, cela peut aussi s'appliquer à l'ensemble des fonctionnaires du Quai d'Orsay.

Notre association a également conduit une réflexion sur la mobilité. Il s'agit d'anticiper les nominations pour éviter que les postes ne soient connus au dernier moment et donc que les déménagements ne s'effectuent en catastrophe. En Grande-Bretagne, par exemple, on connaît son poste d'affectation un an à l'avance ; il n'y a pas de raisons pour qu'en France il en soit autrement. Il y avait aussi un débat sur la question suivante : est-ce que l'homme peut être ambassadeur et sa femme conseiller culturel, par exemple, dans un même État ? Là aussi, nous avons examiné la situation dans d'autres pays où cela était possible.

Nous avons aussi beaucoup travaillé sur la question des doubles postes, et c'est une question qui intéresse aussi beaucoup les hommes, en lien avec le développement du travail des femmes. Aujourd'hui, le Quai d'Orsay examine de façon systématique cette question. Je pense d'ailleurs que les associations pourraient travailler ensemble sur ces questions, dans la mesure où des cloisonnements demeurent entre les administrations.

Nous exerçons également des formes de tutorat. En effet, nous avons fait un constat analogue à celui d'autres associations, c'est-à-dire qu'après un certain temps, les femmes diplomates risquent de partie, le jour où la mobilité entre en contradiction avec leur vie privée. Au cout de cinq ou dix ans, lorsqu'elles ont fait des enfants et qu'il faut partir, c'est là où on les perd, comme l'ont montré des études de cohorte. C'est pourquoi nous avons mis en place des tutorats, qui sont des accompagnements par des membres bénévoles de l'association, pour les aider à envisager d'autres possibilités lorsque ce type de difficultés survient, y compris par exemple la possibilité de ne pas accepter le poste en question, mais aussi pour les guider dans leur carrière et qu'elles ne se trouvent pas reléguées à des « ouvrages de dames » – culture, social, etc. Pour ma part, je suis directrice des affaires stratégiques, chargée des questions militaires, et cela n'a pas toujours été facile à faire comprendre à certains, mais cela a été possible et j'ai également aujourd'hui de jeunes rédactrices qui sont incollables sur la technologie des missiles, le nucléaire, etc.

Nous avons aujourd'hui un bilan positif : on dénombre actuellement quarante-huit femmes ambassadrices, contre vingt-et-une en 2012. Je suis néanmoins inquiète, car si nous avons pu avoir pendant toute cette période un soutien politique très important, en particulier de M. Laurent Fabius, je crains que des collègues masculins n'attendent leur heure, notamment quand j'entends des propos sur ce qui serait la « génération perdue des diplomates » qui sont les quarantenaires, et en fait, une forme de lassitude sur ces questions. Nous allons donc encore avoir besoin de soutien politique et de vigilance à l'avenir.

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