Je remercie vivement Mme Catherine Coutelle, présidente de la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, d'avoir réuni aujourd'hui les représentantes de la majeure partie des associations de femmes constituées au niveau des ministères. Je crois que c'est la première fois que nous nous trouvons toutes rassemblées au sein d'une enceinte publique.
Les « Femmes de l'Intérieur » étaient un peu nos grandes soeurs, et les femmes se réunissent désormais également dans notre département ministériel. Notre association « Femmes de justice » est la dernière en date à avoir été créée.
Cela peut d'ailleurs paraître paradoxal car le corps des magistrats est très féminisé, et pas seulement la magistrature, mais aussi les métiers au sein du ministère de la justice, y compris la protection judiciaire de la jeunesse et l'administration pénitentiaire, ainsi que les métiers du droit tels que les avocats et les notaires
Nous avons découvert que, dans notre ministère, nous ne parlions pas encore, du moins de manière suffisamment précise, de tous les problèmes auxquels les femmes sont confrontées.
Nous nous sommes aussi aperçues de l'existence de résistances au changement, et nous avons voulu briser une forme de tabou. Il faut souligner à cet égard la question de la féminisation des titres, qui pose encore des difficultés.
Nous voulons travailler sur la mixité et l'image des métiers de la justice. Aujourd'hui, 80 % des juges sont des femmes, alors qu'ils étaient 100 % d'hommes à la Libération. Le Centre d'études de la vie politique française (CEVIPOF) a même dit que, d'un point de vue sociologique, la féminisation de la magistrature était l'un des changements les plus importants que cette instance avait vécu ces dernières années. Quelle est la signification de ce changement pour le corps ? La fonction de juge s'identifie-t-elle aujourd'hui à un métier relevant de la sphère du care, alors qu'autrefois le juge était un fonctionnaire d'autorité ?
Un autre problème que nous nous posons est celui de l'avancement. Après le recrutement, il semble que le plafond de verre joue à plein. Ainsi, 80 % des procureurs sont des hommes. Il est difficile pour une femme d'être cheffe de juridiction ou d'être responsable d'une juridiction dite « hors hiérarchie ». En fait, nous nous sommes aperçues que les femmes ne se portaient même pas candidates.
En outre, il y a encore des bastions : directeur de l'ENM, secrétaire général du ministère de la Justice… On ne voit jamais de femmes occuper ces postes. De la même manière, parmi les dix nouveaux présidents de la Cour de cassation, il n'y a que des hommes.
La magistrature est très codée. Les femmes n'ont pas toujours accès à ces codes. Il faut qu'ils leur soient transmis. Il faut aussi que les femmes, pour les nominations, arrivent à faire entendre « leur petite musique », comme savent si bien le faire les hommes.