Intervention de Chris Blache

Réunion du 11 mai 2016 à 13h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Chris Blache, consultante en socio-ethnographie, cofondatrice et coordinatrice de la plateforme Genre et Ville :

Des associations de femmes sont représentées aux réunions dans lesquelles nous préparons les projets pour l'ANRU.

Pour revenir sur la médiation, il n'est pas toujours évident de trouver les entités idoines. La commune d'Aubervilliers a cherché à mettre en place un outil pour travailler avec les jeunes filles, car il existe des problèmes de prostitution occasionnelle dans certains quartiers. Mais cela n'a pas pris du tout, il n'est pas facile d'imposer des solutions de façon descendante.

D'autres initiatives semblent mieux fonctionner. C'est par exemple le cas de l'Office municipal de la jeunesse d'Aubervilliers (OMJA) dont 95 % de l'encadrement et des usagers des maisons de quartier étaient de sexe masculin. Il y a trois ou quatre ans, les dirigeants de l'OMJA ont affirmé une vraie volonté politique d'introduire une féminisation, tant de l'encadrement que des usagers. Les filles disaient que tant qu'il n'y avait que des garçons, elles n'allaient pas venir. Il fallait donc trouver le moyen de les faire venir.

Aujourd'hui, à l'OMJA, l'encadrement est composé de 60 % de femmes et de 40 % d'hommes, et sur le terrain, la proportion est de 55 % d'hommes et de 45 % de femmes. Il y a donc une logique paritaire. La fréquentation est de 60 % de garçons et de 40 % de filles. La fréquentation par les filles a donc augmenté dans des proportions dramatiques grâce à la politique qui a été menée pour la représentativité de l'encadrement et dans le choix des activités. Au départ, les stéréotypes étaient perpétués : des ateliers de danse et des activités plus « féminines » étaient proposés. Mais une fois que les filles sont venues plus nombreuses, les activités mixtes se sont développées. Aujourd'hui, plus de 40 % des activités sont mixtes.

La médiation fonctionne par capillarité, depuis le terrain. Le conseil local des jeunes fonctionne également très bien, j'ai adoré les réunions de ce conseil qui regroupaient à chaque fois autant de filles que de garçons. Les filles y prennent plus la parole que les garçons, ce qui change des milieux politiques classiques. En plus, les jeunes qui participent représentent une multitude d'identités. Nous avons pu amener la question du genre dans ces « clubs de rencontre » et cela nous a permis d'avancer.

À Villiers-le-Bel, nous nous sommes aussi posé la question de la médiation. Nous avons essayé de travailler sur le genre avec le point d'information jeunesse, mais cela n'a pas très bien fonctionné et nous avons décidé de monter des activités pour inclure les jeunes, puis de les sensibiliser par capillarité. Parfois, il est possible d'avancer frontalement, mais souvent il faut entrer dans le tissu. Une fois cette étape franchie, nous avons gagné beaucoup de points.

La question rurale est importante aujourd'hui. Souvent, nous sommes des urbains dans le rural, les pratiques sont urbaines : les gens travaillent ailleurs, utilisent la voiture, font leurs courses dans les centres commerciaux. Le tissu local se délite et ne permet pas toujours d'organiser les choses.

Il y a un vrai souci pour les femmes au niveau rural : puisqu'il est nécessaire de prendre la voiture, les femmes deviennent la variable d'ajustement lorsqu'il n'y a qu'une voiture par ménage et qu'il faut aller travailler à l'extérieur, et aussi lorsqu'il n'y a pas de solution de crèche ou de garde d'enfants. Un ensemble de facteurs rend la situation structurellement compliquée. Cela nous préoccupe, et comme nous allons travailler dans le Sud-Ouest, nous envisageons de lancer un travail sur le monde rural dans l'agglomération de Bergerac, qui est en zone ANRU, et dans toutes les communautés rurales autour de Bergerac. Nous aurons peut-être plus de choses à vous dire sur ce sujet l'année prochaine.

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