Intervention de Yves Raibaud

Réunion du 11 mai 2016 à 13h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Yves Raibaud, géographe, maître de conférences et chargé de mission sur l'égalité femmes-hommes à l'université Bordeaux 3, membre du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, HCEfh :

Parmi les préconisations, nous recommandons d'apprendre aux petites filles à aller sur les espaces, c'est prioritaire. Ce travail est aussi fait pour les femmes immigrées : des associations leur proposent des randonnées en ville, leur font prendre le bus et découvrir la ville. Cette pédagogie de l'espace est très importante pour que les filles sachent qu'elles ont droit à cet espace.

Dans mes travaux, je parle beaucoup des hommes et des garçons. Si un empowerment des filles est nécessaire, il faut aussi un disempowerment des garçons, qui doivent accepter de céder la place. C'est le cas pour les équipements d'accès libre : il y a une fosse à hockey sur les quais de Bordeaux, et une équipe de roller derby très dynamique veut l'utiliser, mais il y a toujours deux ou trois garçons qui refusent de céder la place, ce qui créé des conflits. Il ne peut pas y avoir d'empowerment sans une autre manière d'élever les garçons pour leur apprendre à céder le centre. C'est une priorité, on ne peut pas demander aux filles d'adopter les comportements critiquables des hommes pour prendre le pouvoir que les hommes ne veulent pas leur laisser.

S'agissant de la médiation, le Défenseur des droits a étoffé son équipe, qui compte maintenant une personne tout à fait compétente dans les questions de genre, c'est une ancienne collègue de l'université. Un certain nombre de plaintes pour discrimination dans le sport commencent à arriver de la part d'équipes de femmes qui n'obtiennent pas de terrain. Lors d'un des entretiens que nous avions menés à Bordeaux, un des dirigeants nous a dit : « Comment voulez-vous que nous trouvions des terrains pour les filles, nous n'avons déjà pas assez de terrains pour nos jeunes ! » Si ces comportements sont considérés comme des discriminations dans le sport, on ne pourra plus simplement dire que ce sont les jeunes filles qui s'écartent de l'espace public, on reconnaîtra qu'elles sont exclues. Il est important que les choses soient vues de cette manière.

J'ai travaillé pendant vingt ans dans le milieu rural en Gironde, et l'accès des filles aux loisirs s'est fait par la création d'écoles de musique, de danse et d'art plastique dans un pays où existait une monoculture du football. Ces écoles de musique, de danse, de théâtre et d'arts plastiques, qui existent toujours au sein d'une fédération, ont finalement accueilli autant de filles que de garçons, mais elles ont été l'activité des filles pendant un certain nombre d'années. En fait, ces activités sportives ou socioculturelles sont des écoles de citoyenneté, puisque ce sont ces jeunes femmes que l'on retrouve aujourd'hui dans les conseils municipaux, dans les associations de parents d'élèves, parce qu'elles ont eu cette entrée par les pratiques socioculturelles.

La question posée sur les comités d'entreprise me permet de faire le lien avec les vacances. La disparition d'un grand nombre de colonies de vacances a été un désastre. Il s'agissait de lieux de mixité et de laïcité, mais par l'effet d'une technocratie abrupte, elles ont dû fermer car elles ne respectaient pas certaines normes, notamment celles sur l'accès aux personnes en situation de handicap. Elles ont été remplacées par le secteur marchand et les comités d'entreprise qui proposent des activités extrêmement stéréotypées (colonie astronomie, colonie poney, surf, etc.), tandis que dans les quartiers populaires, les colonies ont été remplacées par des dispositifs de type « Ville, vie, vacances » qui consistent à emmener les enfants des quartiers en vacances pour de courts séjours, et qui ont profité à 90 % à des garçons.

On peut donc en conclure que dans ce cas, la politique de la ville a signifié la fin des vacances pour les villes pendant que l'on enterrait les colonies de vacances. Le ministère de la jeunesse et des sports a commencé à se préoccuper à nouveau de cette question, mais il est un peu tard, car tout a disparu. Beaucoup de communes, notamment rurales, ont abandonné leurs anciennes colonies de vacances.

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