Au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, je salue cette belle proposition de loi.
Il est exact que les femmes étrangères subissent la précarité et la discrimination plus que d'autres : femmes, étrangères, dominées, ces difficultés se cumulent. Souvent, elles ne peuvent pas déposer plainte, notamment après des violences conjugales : elles risquent de perdre leur titre de séjour, mais aussi la garde de leurs enfants, et elles subissent parfois un chantage de leur propre famille restée au pays. Vous avez décrit ce poids du patriarcat, véritable frein à l'engagement de procédures de divorce ou de séparation.
Ces femmes doivent avoir les mêmes droits que toutes les autres : droit à la justice, droit à un statut légal protecteur. Les témoignages que nous recevons dans nos permanences sont accablants : ces femmes ont peur, sont souvent réduites au silence.
Nous pouvons retenir plusieurs des dispositions que vous proposez, notamment les articles 4 et 5 – je renoncerai à l'amendement de suppression CL7 que j'avais déposé. Nous devrons également débattre de l'article 6.
Mais je tiens à souligner que s'il reste beaucoup à faire, notre majorité n'est pas restée inactive depuis 2012.
Dès le 28 novembre 2012, une circulaire rappelait et précisait les critères permettant d'apprécier une demande de régularisation, et demandait une application bienveillante des dispositions du CESEDA pour les femmes victimes de violences conjugales et les victimes de la traite.
La loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a sécurisé le droit au séjour des victimes de la traite, en prévoyant le droit au renouvellement de la carte de séjour pendant toute la durée de la procédure engagée ; elle prévoit la délivrance de plein droit d'une carte de résident en cas de condamnation des auteurs de violences, mais aussi l'exonération de taxes et de droits de timbre lors de la délivrance et le renouvellement de leur titre de séjour pour les victimes de la traite ou de violences conjugales.
Une instruction du 19 mai 2015 a précisé les conditions d'admission au séjour des étrangers victimes de la traite ou du proxénétisme, afin d'harmoniser les pratiques des préfectures.
La loi relative à l'abolition du système prostitutionnel a créé un droit au séjour spécifique pour les femmes victimes de la prostitution, et s'engageant dans un parcours de sortie de la prostitution.
La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers prévoit le renouvellement de plein droit de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » du conjoint de Français victime de violences conjugales ; ce droit de renouvellement est étendu aux cas où les violences n'émaneraient pas du conjoint mais d'un autre membre de la famille, ce qui répond à des situations très concrètes. Cette loi dispose également que « l'autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” à l'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection […] en raison des violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin ». C'est en effet souvent au moment où la femme essaye de mettre fin à la relation que les vrais problèmes commencent. Je souligne aussi qu'il est impossible de notifier une interdiction de retour sur le territoire français aux anciennes victimes de la traite, même si elles ne justifient plus d'un droit au séjour.
Enfin, il ne faut pas non plus oublier la loi relative à la réforme du droit d'asile.
Voilà pour le contexte législatif : nous allons maintenant voir comment nous pouvons répondre au mieux à vos très légitimes préoccupations.