Je travaille en effet à l'INRA depuis plus de vingt ans sur les questions de stress à l'abattage ; je m'intéresse à la fois aux causes et aux conséquences de ce stress, sous l'angle du bien-être animal mais aussi de la qualité de la viande. Je travaille sur toute la période de l'abattage, c'est-à-dire depuis la préparation de l'animal par l'éleveur en vue de son départ à l'abattoir jusqu'à la mort de l'animal.
Dans l'approche que nous adoptons, c'est la perception de l'animal qui compte, son expérience du stress. Nous nous fondons notamment sur l'étude des différences entre les individus d'un groupe : nous effectuons sur les animaux en cours d'élevage, plusieurs semaines avant l'abattage, des tests de réactivité, afin de mieux connaître leur réaction à la nouveauté, à la présence de l'homme… Ensuite, nous étudions leur comportement et leur physiologie lors de l'abattage. Et comme les animaux montrent une cohérence dans leur façon de réagir, nous trouvons des liens. Ainsi, nous avons découvert que les bovins les plus réactifs à la nouveauté sont aussi ceux qui donnent le plus de signes de stress à l'abattage. Et cela se retrouve également dans la qualité de la viande.
Récemment, nous nous sommes beaucoup intéressés à la période de l'étourdissement et de la mise à mort. Nous avons notamment réalisé une étude bibliographique sur les bases neurobiologiques de la perte de conscience et de la mort de l'animal. Nous avons également travaillé sur le gazage des porcs.
Je souligne que nous travaillons tout à la fois dans un abattoir expérimental, c'est-à-dire dans des conditions très contrôlées, mais aussi dans des abattoirs commerciaux, ce qui nous permet d'être en contact avec la réalité du terrain – je m'empresse de préciser que j'y ai toutefois moins de contacts que nos deux collègues.
Nous avons noté à quel point la mise en place du règlement européen a été vécue comme un soulagement dans ces abattoirs : les choses sont beaucoup plus claires. Les directeurs peuvent tenir un discours plus formel. Mais les personnels des abattoirs souhaitent encore plus de clarté, et ils attendent beaucoup des politiques.