Intervention de Claudia Terlouw

Réunion du 12 mai 2016 à 10h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Claudia Terlouw, chercheuse à l'Institut national de la recherche agronomique, INRA :

Très grossièrement, on peut distinguer deux aspects de la conscience : il y a un premier niveau de conscience, celui de l'éveil, du niveau de vigilance ; il y a un autre niveau, avec un contenu. Sans éveil, il n'y a pas de contenu.

En étourdissant l'animal, on veut abolir soit le contenu, soit l'éveil – ce qui abolit aussi le contenu. L'idée est que le cerveau d'un animal inconscient est incapable d'intégrer les informations de l'environnement : il ne pourra donc pas percevoir le stress, la peur, la douleur.

Différentes techniques ont donc été développées. L'utilisation du pistolet vise à supprimer l'éveil, et par conséquent tout contenu de la conscience. Il brise la formation réticulée qui se trouve à la base du cerveau, et qui, avec le thalamus, est une des structures impliquée dans l'éveil. Le but est de l'endommager suffisamment pour qu'elle ne fonctionne plus. Quant à l'électronarcose, elle consiste à faire passer à travers le cerveau un courant suffisant pour dépolariser l'ensemble des neurones : c'est tout le cerveau qui cesse de fonctionner. On supprime sans doute l'éveil, mais à coup sûr le contenu de la conscience.

Pour savoir si ce travail a été bien fait, il existe différents indicateurs. Tous ont leur intérêt et leurs limites.

Le plus connu, facilement observable, c'est la perte de posture : l'animal ne tient plus debout et il tombe. Il faut que ce soit immédiat, sauf dans le cas de l'étourdissement progressif qu'est le gazage.

La perte de réflexe cornéen est un second indicateur. Il est stimulé lorsqu'on effleure la cornée : une information part vers le cerveau, produit une connexion au niveau de la base du cerveau et actionne un nerf moteur qui ferme la paupière. C'est un circuit court, qui passe à travers la formation réticulée, responsable, je l'ai dit, de l'éveil de l'animal : si ce circuit ne fonctionne plus, il est extrêmement probable que la formation réticulée ne fonctionne plus non plus et que l'animal est correctement étourdi. En revanche, le fait que l'animal présente un réflexe cornéen ne signifie pas nécessairement qu'il soit conscient : c'est donc un indicateur que je qualifierai de « conservateur ».

La respiration est un troisième indicateur. Les centres de contrôle de la respiration sont encore plus bas dans la base du cerveau : c'est une fonction que l'on perd la plupart du temps plus tardivement. S'il n'y a plus de respiration, on peut donc également penser que les structures de la base du cerveau sont suffisamment atteintes pour qu'il n'y ait plus d'éveil.

Chacun de ces indicateurs présente des limites.

S'agissant de la perte de posture, il faut ainsi s'assurer que l'animal n'a pas été simplement paralysé : le pistolet, lorsqu'il est mal utilisé, peut sectionner la moelle épinière ; l'animal est alors paralysé, mais conscient.

Le réflexe cornéen n'est pas toujours observable : ainsi, après l'électronarcose, l'animal est en phase tonique ; tous ses muscles sont tendus, y compris ceux des yeux. Il est également possible, dans le cas d'un abattage sans étourdissement, qu'il y ait du sang dans les yeux et que le réflexe cornéen soit difficile à déclencher.

Enfin, l'absence ou la présence de la respiration n'est pas toujours facile à constater. C'est une fonction vitale, et le corps se défend bien. On voit souvent quelque chose qui ressemble à une respiration : l'évaluation n'est pas facile. Par ailleurs, il arrive que l'on ne puisse pas voir l'animal : dans l'abattage sans étourdissement, il est enfermé dans le piège, et il peut être difficile de vérifier s'il respire.

Du fait même de ces limites, il est important d'associer les différents indicateurs.

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