La question de la rémunération des dirigeants d'entreprise constitue un sujet majeur qui provoque souvent l'émoi de nos concitoyens : le patron le moins bien payé du CAC 40 perçoit 1,32 million d'euros par an, ce qui représente 76 SMIC. Les fortes réactions à l'augmentation de la rémunération d'un patron du CAC 40 démontrent qu'il est temps d'agir.
La proposition de loi présentée par notre collègue Gaby Charroux veut légiférer en réponse aux dérives constatées en matière de rémunération des dirigeants de sociétés. À cette fin, le texte propose que, dans toutes les entreprises, qu'elles soient privées ou publiques, sous quelque forme qu'elles soient constituées, le salaire annuel le moins élevé ne puisse être plus de vingt fois inférieur à la rémunération annuelle globale la plus élevée dans la même entreprise.
Il est aussi prévu de limiter à deux le nombre de conseils d'administration dans lesquels une même personne peut siéger, au lieu de cinq aujourd'hui, alors qu'il était de huit auparavant.
Avant de revenir sur les dispositions proposées par notre collègue, je voudrais rappeler les progrès importants introduits depuis 2012 par notre majorité, qui lutte contre ces dérives. Dès 2012, les revenus des dirigeants d'entreprises publiques ont été plafonnés, les dispositions du code de gouvernance des entreprises privées AFEP-MEDEF ont été renforcées. À l'échelon européen, les bonus ne peuvent plus excéder les salaires annuels fixes dans le secteur bancaire ; et le système des retraites chapeau des mandataires sociaux a été encadré.
Bien loin des déclarations d'intention, notre majorité n'est donc pas restée les bras croisés et elle agit pour un juste encadrement des rémunérations ; hier, le Président de la République a d'ailleurs évoqué le sujet lors d'un entretien radiophonique en indiquant que le Gouvernement serait prêt à intervenir si le code AFEP-MEDEF n'était pas respecté.
L'article 1er de la proposition de loi encadre les écarts de rémunération ; il comporte toutefois un important risque d'atteinte au principe de la liberté d'entreprendre permettant à chacun d'exercer l'activité souhaitée, ainsi qu'au principe de liberté contractuelle. En effet, aux termes de la Constitution et de la jurisprudence constitutionnelle, ces libertés ne sauraient être limitées que dans l'intérêt général et à condition qu'il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.
Or la réduction des inégalités comme seul motif d'intérêt général invoqué ne me semble pas suffisante au regard du contrôle de proportionnalité de l'atteinte constatée par le juge constitutionnel. Je veux également souligner le fait que cet article 1er ne s'appliquerait qu'aux contrats conclus postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, en vertu du droit constitutionnel au maintien de l'économie des conventions légalement conclues.
L'article 2 prévoit de limiter à deux le nombre de conseils d'administration au sein desquels une personne peut siéger, au lieu de cinq aujourd'hui, afin de lutter contre la consanguinité des conseils de surveillance et des conseils d'administration. La loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques avait déjà abaissé de huit à cinq le nombre maximal de mandats d'administrateur et de membre du conseil de surveillance qu'une personne physique peut exercer.
Nous partageons l'objectif poursuivi par cet article, qui va dans le sens d'une plus grande transparence et d'un meilleur équilibre. Nous partageons aussi le souci d'encadrer plus strictement les écarts de rémunération dans les entreprises. Cependant, en l'état, la rédaction proposée ne nous paraît pas satisfaisante, notamment sur le plan de la constitutionnalité.
C'est pourquoi le groupe socialiste, républicain et citoyen ne soutiendra pas l'article premier dans sa rédaction actuelle, mais votera l'article 2, ainsi que l'amendement du rapporteur tendant à introduire un article additionnel après l'article 2.