Ce texte se trouve au coeur de l'actualité. Vous avez peut-être entendu ce matin que le PDG du groupe Capgemini a augmenté son salaire de 18 %, ce qui suscite un mouvement de protestation de la part des salariés.
Nous constatons d'indécentes inégalités de rémunérations, incompatibles avec une quelconque cohésion sociale, et qui suscitent la colère légitime de salariés dont les rémunérations sont bloquées depuis de nombreuses années. On imagine l'effet que peut produire sur ces salariés et leurs familles la publication dans la presse du montant des rémunérations des dirigeants, alors que la précarité gagne du terrain et que le chômage augmente.
M. Charroux a fort bien évoqué les justifications apportées à ces revenus exorbitants. Si ces performances sont réalisées par les entreprises, c'est sans doute parce que le PDG est compétent, mais c'est surtout parce que des salariés travaillent. Dès lors, lorsque des bénéfices sont enregistrés par l'entreprise, ceux-ci devraient aussi aller aux salariés.
On peut comprendre que nos concitoyens soient choqués par ces excès, et nous constatons tous que les tentatives d'encadrement actuelles n'ont pas produit leurs effets. C'est pourquoi je considère que cette proposition de loi visant à limiter l'écart entre les salaires les plus élevés et les plus bas – dans un rapport de un à vingt –, et à lier la progression de la rémunération des dirigeants à celle des salariés est de nature à introduire un peu d'équité ainsi qu'à assainir les modes de réflexion, particulièrement celle des syndicats.
Naïvement, je pensais que tout un chacun pouvait partager les objectifs de cette proposition de loi et la soutenir, mais je constate que cela n'est pas le cas. J'entends expliquer que certains patrons connaissent des situations difficiles. Je le concède volontiers, mais ce n'est pas de ceux-là que nous parlons. La proposition de loi concerne les excès, pas les hommes et les femmes qui sont dans la normalité, ce qui est le cas de l'immense majorité de nos concitoyens.
L'autorégulation a été évoquée, et certains chefs d'entreprise s'y astreignent, mais, nous le voyons bien, il y a encore des excès : ce sont leurs auteurs, et eux seuls, qui sont concernés par ce texte.
J'entends aussi le raisonnement portant sur l'augmentation du volume législatif : il vous faut affûter vos arguments si vous souhaitez vraiment soutenir des inégalités aussi criantes, mes chers collègues. Pour ma part, je considère que la loi pourrait nous aider dans notre démarche.
Nos collègues du groupe Socialiste, républicain et citoyen semblent considérer que la réduction des inégalités ne constitue pas un argument suffisant : cela m'étonne, certes, mais, au regard du projet de loi sur le travail ainsi que du recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, je suis de moins en moins surprise. Il va donc falloir que je m'habitue à cet état de fait.
J'espère toutefois que le débat permettra à nos concitoyens de constater que, dans cette assemblée, des députés essaient d'organiser la société avec un minimum d'équité et d'efficacité. Chacun pourra alors être jugé en fonction de ses prises de position, étant entendu que nos concitoyens nous regardent et que tous sont choqués par certains excès.