Dans la période difficile que connaît notre pays, avec 6,5 millions de demandeurs d'emploi et beaucoup de nos concitoyens dans la difficulté, nous ne pouvons que nous interroger sur les inégalités et les écarts de rémunération qui nous choquent tous, quel que soit le degré de compétence et de responsabilité des dirigeants concernés.
On peut effectivement être choqué de voir un président de directoire totaliser un gain annuel de 5 millions d'euros, et un autre percevoir 12,5 millions d'euros, alors même que son entreprise réorganise son activité et procède à des licenciements.
Cette volonté d'encadrer les rémunérations intervient dans un contexte de défiance envers quelques patrons, mais tous ne sont pas dans cette situation : je pense à tous les dirigeants qui se battent pour faire vivre nos entreprises. Mais je pense aussi à tous ces sportifs, à tous ces artistes, adulés par les Français, et qui sont pourtant dans la même situation que ces dirigeants d'entreprise.
Si le problème soulevé par la proposition de loi est réel, la réponse proposée n'est ni totalement satisfaisante ni efficace. L'encadrement d'un écart de un à vingt de la rémunération que vous suggérez sera contourné par la stratégie des entreprises, les meilleurs dirigeants quitteront la France, et votre texte trouvera vite ses limites ; pour cela, je me demande même si je partage votre objectif.
Ne pourrions-nous pas imaginer que l'autorégulation et le code de gouvernance permettent l'application des principes de bon fonctionnement et de transparence ? Il faut effectivement mettre un terme à la surenchère aux primes d'accueil et de sortie, qui se comptent en millions et témoignent de la dérive du système. Il faut promouvoir le principe de juste rémunération, augmenter le pouvoir des actionnaires et les responsabiliser, régler la question des indemnités de départ et réfléchir à la nature des objectifs économiques – voire sociaux et environnementaux – susceptibles de conditionner la part de rémunération variable des dirigeants. Par ailleurs, il faut certes prendre en compte la performance, mais aussi la formation des salariés.
Nous devons faire de l'éthique une priorité de l'entreprise, car c'est bien là le sujet : éthique des dirigeants, éthique des pratiques financières, éthiques des marchés, des recrutements et de la formation, et, bien évidemment, éthique des rémunérations. Nous pourrions peut-être même aller plus loin dans ce dernier domaine et poser la question : ce qui est légal est-il toujours moral ?