Intervention de Hervé Féron

Réunion du 18 mai 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Féron :

Si une réflexion sur le droit d'auteur apparaît légitime au regard des nouveaux usages sur internet, le groupe socialiste, républicain et citoyen se félicite de l'initiative de la commission des Affaires européennes de réaffirmer l'attachement de la France au principe du droit d'auteur au niveau européen.

Il est en effet certain qu'un nivellement par le bas de ce système porterait gravement atteinte à la création artistique en France, en fragilisant la rémunération des auteurs et en raréfiant les sources de financement des oeuvres, avec à la clé un appauvrissement de la diversité culturelle.

À la lecture de l'excellent travail réalisé par notre rapporteur Patrick Bloche en un temps record, il n'apparaît plus nécessaire de rappeler que le droit d'auteur n'est pas un frein à la diffusion des oeuvres, mais au contraire une condition nécessaire à la survie des industries culturelles, dont les singularités locales souffriraient immanquablement d'un marché unique numérique inventé dans la précipitation, au bénéfice in fine des géants américains du net.

Or, nous le savons, les industries culturelles et créatives jouent un rôle clé : selon certaines études elles seraient le troisième plus grand employeur de l'Union européenne et seraient à l'origine de plus de 4,2 % de son PIB. Au niveau international, leur poids serait même estimé à plus de 6 % du PIB mondial.

Alors que nous sommes en plein festival de Cannes, il est utile de rappeler que, si le cinéma européen est primé dans tous les grands festivals mondiaux, c'est notamment grâce à son système de financement qui permet aux grands auteurs du monde entier de réaliser leurs films les plus personnels.

Je souhaiterais attirer votre attention sur trois points particuliers. Présentée en mai dernier par le commissaire en charge du numérique, la stratégie de Bruxelles pour un marché unique numérique passe notamment par la limitation des pratiques de « géoblocage », qui empêchent actuellement les Européens en séjour dans un autre pays d'avoir accès aux mêmes contenus en ligne que dans leur pays d'origine.

Or, dans le projet de règlement européen, il y a deux problèmes. D'une part, l'obligation de « portabilité » n'est pas limitée dans le temps, ce qui laisse planer le risque de voir se développer des pratiques déloyales, comme par exemple une personne qui pourrait acquérir des droits de transmission à Malte pour du football anglais. D'autre part, il est nécessaire de définir précisément les critères permettant d'établir avec certitude quel est le pays de résidence des utilisateurs ou ce qu'est un séjour temporaire à l'étranger, afin d'éviter de donner lieu aux mêmes abus.

Ces deux points majeurs du règlement doivent être précisés afin de préserver le principe de territorialité des droits, qui, tout comme l'exception pour copie privée, constitue l'un des piliers du financement culturel en France. Par ailleurs, puisque sans oeuvres culturelles les géants américains d'internet ne sont rien, nous sommes persuadés qu'ils doivent être mis à contribution.

Nous avons ainsi besoin d'un système de gestion de droits plus équilibré, permettant d'assurer une rémunération équitable à tous les ayants droit, tout en garantissant une sécurité juridique aux grands groupes – et notamment les moteurs de recherche – dont l'activité sur internet ne doit pas être remise en cause.

À titre personnel, j'ajouterais que la compensation financière pour les ayants droit ne doit pas être supportée par les usagers, mais par les entreprises – telles que Google – qui tirent des bénéfices du référencement d'oeuvres protégées par le droit d'auteur.

Enfin, si elle n'est mentionnée que très succinctement dans le rapport, la lutte contre la contrefaçon et le piratage doit rester l'une des priorités de la Commission européenne. Il est appréciable que cette dernière en ait fait le quatrième pilier de son plan d'action communiqué en décembre. En effet, l'absence de législation suffisamment protectrice de la propriété intellectuelle fait perdre entre 166 et 240 milliards d'euros aux industries créatives de l'Union européenne en 2015.

Pour parer à l'échec de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) créée en 2009 par la précédente majorité et qui n'a pas su endiguer la montée du piratage dans notre pays, une réflexion européenne est aujourd'hui nécessaire pour mieux lutter contre ce phénomène. Il nous faudra rester vigilants et force de proposition sur ce sujet de première importance.

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