Jamais un référentiel ne pourra imposer une durée minimale, car ce serait porter atteinte au principe constitutionnel de liberté de prescription du médecin. Seul un processus de contrôle peut vérifier le bien-fondé de la durée prescrite. Certes, l'avenir est dans la dématérialisation des arrêts de travail – ce qui permettra d'ailleurs de résoudre en partie le problème du délai de 48 heures pour leur transmission. Néanmoins, le logiciel d'avis d'arrêt de travail ne devra en aucun cas encadrer la décision du médecin : il pourra éventuellement lui signaler qu'il dépasse le référentiel, mais non limiter sa liberté de prescription.
Comme vous l'avez souligné, certains médecins sont plus prescripteurs que d'autres – c'est la preuve que les arrêts de travail peuvent donner lieu à des abus. Les référentiels doivent donc guider l'action de contrôle. En effet, un service chargé du contrôle médical devrait être alerté face à une pathologie qui bénéficie de 600 jours d'arrêt au lieu des 20 jours indiqués par le référentiel. La dématérialisation devrait faciliter les contrôles, par exemple en listant les pathologies.
Il s'agit, en fait, d'un problème de moyens. Il convient de rationaliser les contrôles, car il est plus utile de se pencher sur un dossier à 45 jours pour une angine, même si l'arrêt peut être justifié dans certains cas, que pour une fracture ouverte.
En tout état de cause, la solution demeure l'expertise. Les juristes doivent comprendre qu'ils ne sont pas médecins. Comme je l'ai souligné dans un article paru dans La Semaine juridique, un certain nombre de décisions définitives du juge du fond ont constaté des situations abusives – je cite notamment le cas d'un arrêt de travail de 944 jours pour lequel le juge judiciaire a considéré de manière définitive qu'une journée aurait suffi.
Dans le cadre du contrôle, si la caisse primaire prend sa décision relative à la date de consolidation sur la base de l'avis émis par le service médical, il s'agit d'une décision de nature administrative. Si l'assuré conteste cette dernière, il peut recourir à la procédure des contestations d'ordre médical prévue à l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale. Une expertise contradictoire est alors diligentée avec le médecin traitant, le médecin de la caisse primaire et un médecin tiers. Enfin, si le litige perdure, le contentieux est renvoyé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. Dans ce cas, le code de la sécurité sociale impose au juge de nommer un expert. Ainsi, le juge pourra trancher grâce à l'avis éclairé d'un médecin. Comme vous le constatez, il faudra toujours des hommes pour procéder aux contrôles.