Je pense qu'il fallait un élan, qu'il fallait que le système bouge, ce qui n'avait pas été possible jusqu'à présent. C'est la seule réponse que je peux vous apporter. C'est le Président de la République qui a lancé le mouvement et lui a donné plus de vigueur et de force. Ce premier élément sera donc mis en oeuvre cette année.
Deuxième élément : après le bilan de l'AFD, à savoir les moyens financiers, se pose la question des moyens budgétaires. L'AFD se finance sur les marchés. Ensuite, elle rajoute des ressources budgétaires, en dons ou en bonifications. Il n'y a pas de subventions de fonctionnement à l'AFD, c'est une entreprise. En revanche, elle transmet l'argent que vous votez à ses clients sous forme de dons ou de prêts très bonifiés dans les pays les plus pauvres, ou sans coûts budgétaires dans un certain nombre d'autres géographies, notamment la Chine.
S'agissant des ressources budgétaires, la trajectoire est prise jusqu'en 2020. Ce sujet sera débattu lors de chaque loi de finances, avec une première étape dans le projet de loi de finances pour 2017, qui vous sera présenté le premier mardi d'octobre.
Le renforcement de l'AFD n'est pas nécessairement lié à la Caisse des dépôts et consignations. Ce n'est pas le cas du deuxième volet, qui est le rapprochement avec la Caisse des dépôts.
On a effectivement étudié différentes options, que je crois vous avoir présentées lorsque je suis venu devant vous. J'avais fait une proposition, que vous connaissez, qui supposait l'intervention du législateur ; en effet, seul le législateur pouvait prendre un établissement public et, par la loi, faire un groupe avec un autre établissement public.
Au fil des travaux, on s'est rendu compte que les conditions politiques de ce schéma n'étaient pas réunies, notamment en raison de réticences au sein de la Commission de surveillance de la CDC. On a donc décidé de faire plus simple en commençant par le bas, c'est-à-dire par des projets.
Dire que l'on va faire une convention peut donner l'impression que l'on va se contenter d'un bout de papier, mais que l'on ne fera rien. Or on a lancé des projets entre l'AFD et la CDC, et je pense que le mouvement qui a engagé en août dernier a fait que ces deux maisons ont maintenant envie de travailler ensemble. Alors qu'elles ne se parlaient pas du tout, des liens se sont créés. Il faut laisser les coopérations se développer.
La convention va permettre d'affirmer les convergences stratégiques entre l'Agence et la Caisse – je pense qu'elles sont nombreuses – et d'identifier les projets : appui au secteur privé, outre-mer, innovation et recherche, action extérieure des collectivités locales. Comme me la confirmé Pierre-René Lemas, l'engagement d'un fonds de 500 millions d'euros reste valide. Il faut maintenant trouver l'emploi, pour le développement, de ces ressources en fonds propres additionnels.
On prendra des dispositions pour assurer la mobilité des personnels. Je crois que c'est très important. L'AFD est une grande maison, mais elle a besoin de faire bouger ses cadres et ses agents.
Les modalités de fonctionnement des réseaux en France et à l'étranger ont retenu votre attention. (Il faut également se préoccuper de) la mise en réseaux et de la mobilisation de l'expertise de la CDC, qu'on ne va jamais chercher pour la projeter à l'étranger.
Enfin, il faudra que l'on trouve des liens de gouvernance entre les deux maisons pour que ces projets s'épanouissent. Par exemple, un représentant de la Caisse des dépôts devrait pouvoir siéger au conseil d'administration de l'AFD.
Une prochaine échéance aura lieu à l'automne, avec un comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), un nouveau contrat avec l'État et une convention avec la CDC que je souhaite, dès maintenant, la plus ambitieuse et la plus structurelle possible.
J'en viens au débat bilatéralmultilatéral.
L'AFD est votre outil bilatéral. Donc, je ne peux que me faire l'avocat du bilatéral, avec passion et conviction. Comme le font beaucoup d'autres pays, je pense qu'il faut renforcer cet outil.
Je vivais dans l'idée que l'APD allemande était à peu près équivalente à l'APD française. Or je me suis aperçu en préparant cette audition qu'aujourd'hui, les Allemands ont une APD à peu près équivalente à celle des Anglais – autour de 18-19 milliards – alors que les Français n'y consacrent que 10 milliards.
Je pense donc que l'on doit s'efforcer de réduire cet écart et que la priorité doit être donnée aux instruments bilatéraux, ce qui ne veut pas dire (qu'il faut délaisser le multilatéral). J'ai beaucoup travaillé dans le multilatéral quand j'étais à la direction générale du Trésor et je connais bien le monde des banques de développement. J'ai même failli aller travailler à la Banque africaine de développement. Selon moi, des articulations sont possibles.
Comme je l'avais relevé dans mon rapport, nous avions réservé une enveloppe de 5 % de notre contribution au Fonds mondial sida pour faire des actions avec Expertise France et pour renforcer les capacités des pays à accueillir les fonds délivrés par le Fonds mondial. Pourquoi ne pas imaginer, avec d'autres acteurs multilatéraux, des instruments qui serviraient justement à créer ces liens et à mettre en place ces cofinancements, et à exercer, comme l'a dit M. Poniatowksi, une influence plus grande sur leurs actions ?
Je crois que vous avez reçu M. Serge Michailof, qui plaide pour que, là où notre réseau est puissant et notre expérience est longue – et il pense évidemment à la zone sahélienne – on joue un rôle plus actif de coordination des ressources des autres, qui n'ont pas nécessairement la connaissance du terrain qu'ont nos postes et les représentants de l'AFD sur place.
Certains d'entre vous m'ont demandé quelles devraient être les zones privilégiées de l'AFD. D'autres ont cité un certain nombre de pays. Mais comme je ne sais pas tout de l'AFD, je ne suis pas le mieux à même de vous donner dès aujourd'hui une vision complète de ce que devrait être sa stratégie dans chaque zone.
Toutefois, j'observe que vous avez voté dans la loi de juillet 2014 un principe de « partenariats différenciés ». C'est un peu du jargon. Disons que l'on essaie de définir dans chaque zone géographique des stratégies et des priorités. Je pense qu'il faut aller plus loin, jusqu'aux procédures, jusqu'aux instruments, jusqu'aux partenariats en fonction des particularités de chaque zone. Et j'appelle évidemment à un travail assez spécifique avec les représentants des Français dans ces zones.
M. Destot a parlé de la gouvernance de l'AFD. Si j'en crois mon expérience, le conseil d'administration de l'AFD est l'endroit où tout le monde se retrouve sur une base mensuelle. Certes, ce n'est pas le CA d'une société ordinaire – et cela ne le sera jamais, même si je pense que l'on pourrait aller un peu plus dans ce sens, en termes d'efficacité de fonctionnement. C'est une assemblée, un lieu où l'on délibère et où tous les acteurs de la politique de développement se retrouvent régulièrement. Il faut donc que les collectivités locales y soient représentées. Et compte tenu du projet que j'ai porté et qu'a souhaité le Président de la République, il faut également que la Caisse des dépôts ait un représentant au sein de ce conseil. Maintenant, lui faut-il un PDG ? Je n'en suis pas certain, et en tout cas, la question dépasse cette intervention et ma personne.
Parlons maintenant des entreprises – les grandes et les petites – que vous avez été nombreux à évoquer. Il est évidemment plus compliqué d'emmener les entreprises de l'économie sociale et solidaire, et les toutes petites entreprises, et de les projeter à l'étranger, car cela comporte des risques. Pour ma part, j'avais vu beaucoup de monde dans le cadre de ma préfiguration, et je considère que c'est une mission publique de se tourner vers ces acteurs. Cela étant dit, il faut aussi amener les grands groupes à contribuer davantage à la politique de développement.
Quand on parle de diplomatie économique, on se demande toujours comment, en aval, les financements de l'AFD peuvent bénéficier aux entreprises. C'est très important et de fait, ces dernières années, on s'est préoccupé du retour, en France, des financements de l'AFD. Beaucoup de choses ont été faites et doivent se poursuivre.
Je pense aussi que les entreprises en général, et les entreprises françaises en particulier, doivent « originer » davantage de projets. Et de son côté, l'AFD doit s'adapter pour disposer des instruments permettant de financer ces projets, tout en ayant les exigences d'une institution développement : ces projets doivent respecter les normes RSE requises ; on doit vérifier que l'entreprise ne fait pas des marges qui seraient incompatibles avec une mission de développement ; et ces projets doivent être conformes au secteur d'intervention. Mais ce dont souffrent beaucoup de pays en développement, c'est que ces projets – notamment sur le climat – ne sont pas suffisamment nombreux.
Tout le monde est donc en train de prendre des engagements additionnels. Et tout le monde va se faire de la concurrence. En Asie, sont apparus de nouveaux acteurs comme la Banque asiatique pour les infrastructures, qui a la taille de la Banque mondiale. Il faut absolument que le système et les institutions de développement, qui sont là pour traiter des défaillances de marchés, se positionnent sur ce secteur. Et si cela se fait avec les entreprises françaises, celles-ci porteront les projets qu'elles auront inventés et imaginés avec leurs partenaires du Sud. Je voudrais que l'on essaie de remonter plus en amont ces questions de diplomatie économique. Je pense que c'est l'intérêt des pays en développement, des entreprises, et bien sûr de l'AFD.
Vous avez parlé (de guichet) d'aides liées et déliées. Si l'on raisonne comme cela, on sort un peu de cette problématique, et on se dit qu'il faut trouver les instruments financiers permettant de faciliter l'émergence de ces projets. Or je ne suis pas sûr, effectivement, qu'on les ait tous. Et derrière le rapprochement avec la CDC, il y avait aussi l'idée d'essayer d'imaginer des instruments financiers qui n'existent pas aujourd'hui.
M. Poniatowski a parlé de (domaines) régaliens. Le mot habituel du monde du développement est « gouvernance ». Oui, le transfert de la compétence « gouvernance » est un grand défi pour l'AFD. Celle-ci va devoir proposer à ses partenaires des éléments d'assistance technique, d'appui aux politiques publiques, dans les interventions qu'elle fait déjà. Elle va devoir également développer, dans un certain nombre de sujets de gouvernance pure comme la justice, la sécurité ou la gouvernance financière, des capacités qui jusqu'à présent étaient au ministère des affaires étrangères. Je pense que, là aussi, on aura des interventions, plus utiles, plus intelligentes et plus durables que celles que pourrait avoir une simple banque en n'apportant que le financement.
Maintenant, j'ai entendu vos remarques, quelque peu critiques, sur la cohérence de l'action extérieure des collectivités locales. Si vous me faites confiance, mon intention est d'aller dans chacune des treize régions pour faire oeuvre de pédagogie. On a besoin que les collectivités territoriales apportent davantage de projets, et peut-être des projets un peu plus importants et un peu plus structurés. Je pense que les services techniques des grandes collectivités ont déjà beaucoup à faire, et ont déjà noué de nombreux partenariats avec leurs homologues dans les pays du Sud. L'AFD doit mieux les insérer dans le cycle de ces projets, et dans la confection de ces projets. Il faut que chacun progresse. Je souhaite qu'il y ait à l'AFD cette conscience, et les instruments susceptibles de faciliter l'émergence de nouveaux projets qui n'existent pas encore.
Vous avez été plusieurs à m'interroger sur le projet d'électrification de l'Afrique. Pendant toute l'année dernière, j'ai suivi, auprès de Laurent Fabius, la préparation de la COP. J'étais en charge du volet financier de la négociation. Dans ce cadre, parce que c'était l'attente de nos partenaires africains, nous avons monté tout un programme sur les énergies renouvelables en Afrique, qui est totalement cohérent avec l'effort remarquable du ministre Jean-Louis Borloo pour pousser les sujets énergétiques en Afrique. Il y a donc à la fois la fondation de M. Borloo, et une initiative validée par l'Union africaine, qui commence à se structurer : un engagement de dix bailleurs de fonds, dont la France, d'apporter 10 milliards de dollars d'ici à 2020 sur ce secteur des énergies renouvelables.
Comme vous pouvez le constater, il y a incontestablement un mouvement en ce sens. C'est urgent, car il faut absolument que le mix énergétique de ces pays soit plus favorable au climat, et que la communauté internationale apporte les ressources à cette fin.
À la COP, on a pris un engagement politique, et on a commencé à définir les enveloppes et les partenaires. Maintenant, la balle est dans le camp des banques de développement. C'est à elles, encore une fois, de transformer cette intention politique en action.
Monsieur Rochebloine, vous êtes intervenu à propos des mines antipersonnel. Il se trouve que j'ai vu très récemment M. Yves Marek, notre ambassadeur chargé de ce sujet, qui est très actif et qui siège dans les conférences. C'est compliqué, parce que le déminage ne relève ni de la guerre ni de la crise, qu'il dure au-delà de l'intervention des forces armées ou des institutions des Nations unies en charge du conflit, et qu'il ne relève pas encore du développement. On est typiquement entre sécurité et développement, et les deux mondes ne communiquent pas suffisamment encore, même si vous avez sans doute lu la récente tribune du chef d'état-major des armées dans Le Monde. Les militaires ont une vision très précise des limites de leur action et de la nécessité d'une prise de relais par d'autres institutions pour en assurer la durabilité, et pour qu'ils n'aient pas à revenir et à traiter à nouveau les crises, comme c'est trop souvent le cas.
On est donc dans une « zone grise ». Mais vous le savez mieux que quiconque, monsieur le député, le déminage est un sujet dans lequel la communauté internationale a d'abord réussi, puis dont elle s'est un peu désengagée et dans lequel elle a réduit ses capacités. Le pas supplémentaire à faire pourrait être le lancement d'un vrai programme opérationnel. Il faut évidemment alerter l'opinion à ce sujet. Mais maintenant, il faut enlever les mines pour nettoyer le terrain, et permettre ensuite les actions de développement.
Madame Adeline, quand j'étais jeune, j'ai participé à l'association « Le Lumina » dont la mission était de promouvoir le droit de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) : acheter des manuels et inciter les professeurs de droit d'aller en Afrique. Je crois beaucoup à la force du droit pour le développement.
Vous avez raison, les objectifs de développement durable reconnaissent, et c'est nouveau, cette dimension du développement. Le fait que l'AFD récupère une compétence « gouvernance » fait que c'est elle qui est en charge d'appuyer ce type d'action. C'est une piste à creuser, d'autant plus quand il s'agit, comme l'OHADA, non plus de plaquer nos propres modèles, mais de soutenir un droit régional africain qui a d'ailleurs tendance à s'étendre et qui contribue à la sécurité des affaires et donc, in fine, à la diplomatie économique, avec un retour pour notre pays.
Enfin, l'un de vous m'a interrogé sur Expertise France. Les rôles sont différents : l'AFD est le financeur du développement, et l'instance qui doit « originer » davantage de projets ; Expertise France est un opérateur d'assistance technique. Mais il est très important de faire vivre tous ces viviers, et donc de bâtir une relation, non pas exclusive, mais tout à fait privilégiée ; entre l'AFD et Expertise France.
J'ai été administrateur d'Expertise France, et je connais bien cette maison. On s'est déjà engagé, pour 2017, à concevoir en commun 25 millions d'euros de contrats entre Expertise France et l'AFD. Il faut bien sûr aller dans ce sens, et surtout faire en sorte que ces deux maisons convergent et que leurs forces soient mises au service de nos partenaires.
Il y a avait encore des questions sur les migrations, madame la présidente, mais je vais devoir m'en tenir là.