Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 18 mai 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :

Nous avons débloqué une enveloppe de 50 millions d'euros jusqu'en 2017 dédiée à la modernisation des outils d'abattage et de découpe avec une double stratégie : utiliser ces investissements pour moderniser les abattoirs – c'est ce que l'on a appelé la stratégie des abattoirs du futur – en intégrant toutes les techniques possibles et potentielles permettant d'améliorer le travail, l'efficacité, mais aussi le bien-être animal. Cette enveloppe vise à tenir compte des sujets sur lesquels j'ai été interpellé lors de la crise des filières porcine et bovine que notre pays a traversée : le maillon de l'abattage découpe avait été très rapidement reconnu, et les députés de Bretagne le savent, comme un des éléments qui avait fait perdre de la compétitivité à ces filières. Les investissements pour l'abattoir du futur visaient à améliorer les conditions de travail, de compétitivité et de bien-être.

Sur ces 50 millions d'euros, six projets sont déjà accompagnés pour un montant de 13,2 millions d'euros : on est donc loin d'avoir utilisé l'enveloppe prévue. Ces projets concernent aussi bien les grands groupes que les PME – je pourrai vous fournir les noms si vous le souhaitez, nous n'avons rien à cacher. On peut donc investir pour améliorer les conditions de travail, la compétitivité et le bien-être. Nous sommes souvent coincés par les questions budgétaires pour ne pas avancer ; mais quand des moyens sont alloués mais ne sont pas utilisés, cela mérite d'être rappelé aux intéressés ! Trois projets sont en cours d'instruction pour un montant de 4 millions d'euros. À ce stade, il reste donc une ligne budgétaire de 32,7 millions d'euros. Il va donc falloir appuyer pour faire en sorte que les choses bougent de ce côté.

Nous avons également cherché à utiliser les PIA pour mieux faire dans le domaine du bien-être animal. Comme vous, j'ai été frappé par le broyage des poussins lors du sexage. Lors du salon de l'agriculture, une entreprise a présenté une innovation qui permet de faire du sexage in ovo. Ce projet a immédiatement bénéficié de 4,3 millions d'euros car il faut aller vite, pour faire de la France un pays d'innovations, mettre fin à ces pratiques et ne plus voir ces images terribles. FranceAgriMer a diligenté les choses très rapidement, et j'en suis très satisfait. Emmanuel Macron et moi-même sommes venus assister à la présentation de différents projets, dont celui-ci, pour le soutenir, précisément parce qu'il touche au bien-être animal.

La formation des personnels est un sujet sur lequel nous allons devoir travailler ensemble, et vos auditions seront un des éléments qui devraient permettre d'améliorer les choses. Il faut agir au niveau d'une formation initiale, au début de la carrière, et la renouveler constamment grâce à la formation continue. Il faudra réfléchir, dans le cadre de la discussion du projet de loi El Khomri et du compte personnel d'activité (CPA), à la manière de faire évoluer ces salariés. Dans son livre, M. Geffroy décrit la réalité de ces postes extrêmement difficiles sur le plan physique : au bout de quelque temps, ce sont les épaules, les coudes, etc. qui lâchent. On ne peut pas les laisser pendant quarante ans sur une chaîne, d'où la nécessité de se pencher sur la question de la pénibilité. Ces gens ont vraiment besoin d'être accompagnés. Il faut donc améliorer la formation sur l'acquisition des compétences, en particulier sur la protection animale. Il faut faire preuve de compréhension à leur égard : les cadences dans les chaînes peuvent faire perdre la conscience nécessaire que l'on doit avoir vis-à-vis des animaux. Nous devons sécuriser le parcours professionnel de ces personnes en visant l'acquisition de certificats de compétence. Mais globalement, c'est sur la totalité de la carrière que nous devons réfléchir, formation initiale et formation continue, et jusqu'à la manière dont elle devait pouvoir évoluer dans les abattoirs où il y est très difficile de tenir dans la durée – le livre l'explique très bien.

C'est le ministère de l'agriculture qui habilite les organismes de formation après des examens de moyens pédagogiques et conduites techniques. Treize organismes de formation sont habilités pour les animaux de boucherie. La aussi, les investigations que pourront mener le Parlement dans ce domaine pourront aider à voir où en sont les choses et proposer des améliorations.

Nous avons également créé un outil Web d'évaluation permettant des évaluations individuelles des opérateurs, avec des questions à choix multiples (QCM) corrigées automatiquement, avec tirage de questions aléatoires sur chaque test. Depuis le début du dispositif, ce sont près de 20 000 candidats et 4 000 référents protection animale qui l'ont suivi, avec un taux de réussite d'un peu plus de 99 % pour les opérateurs non référents et de 99,8 % pour les référents protection animale. Les certificats de compétence sont délivrés par le préfet, suite à la présentation de la demande et attestation de formation.

Au-delà des tests et des QCM, il faut mener une réflexion globale et engager un débat sur les treize organismes de formation. Le renouvellement des habilitations des organismes de formation se fera à partir de 2018 ; autrement dit, on a un peu de temps pour redonner et fixer le cadre. Les modifications prévues dans le contenu de formation sont en cours, avec des modes opératoires normalisés et le contrôle interne pour les opérateurs, afin d'intégrer des volets pratiques. Il faut consolider les textes permettant le retrait ou la suspension des certificats : il est nécessaire en effet d'avoir la capacité de donner des certificats à ceux qui sont chargés de former, mais aussi de les retirer lorsque l'on considère qu'ils ne sont pas satisfaisants.

Quelles sanctions définir lorsque l'on réalise des opérations d'abattage et des opérations annexes sans pouvoir justifier du certificat de compétence ? Actuellement, le fait de ne pas désigner de responsable de protection animale dans un établissement d'abattage n'a aucune conséquence. Des sanctions doivent être prévues ; nous en discuterons dans le cadre de la prochaine loi de finances.

Vous m'avez interrogé sur Martial Albar. Il est technicien des services vétérinaires, promotion 1996-1997 – il n'est donc pas vétérinaire. De 1997 à 2002, il est à la Direction départementale des services vétérinaires (DDSV) de l'Aube : aucune affectation en abattoir. De 2002 à 2009, il est à la DDSV de Haute-Savoie : aucune affectation en abattoir. De 2009 à 2012, il est à la Direction départementale des territoires (DDT) de Haute-Savoie. D'après ce que nous savons, il a effectué trois remplacements et vacations dans des abattoirs, à Troyes, Megève et Bonneville. En 2012, il a démissionné de la fonction publique. Dans son dossier, il n'y a pas de lien avec le travail en abattoir.

Moi-même, quand j'ai vu cette interview de quelqu'un qui était présenté comme un fonctionnaire et vétérinaire dans un abattoir, j'ai été surpris. Et surtout par ses propos, qui sont terribles : il dit avoir vu des opérateurs fracasser la tête des moutons. Je respecte toutes les opinions ; celles des militants sont respectables. Mais cet homme a été présenté comme étant vétérinaire ; or il ne l'est pas. Il n'a jamais été vétérinaire du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Et il a effectué trois vacations dans les abattoirs… La transparence vaut pour tout le monde. Voilà tout ce que je peux dire sur Martial Albar, qui travaille maintenant dans une société de conseil.

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