On va donc pouvoir le rouvrir. Mais il convient de respecter toutes les règles, pour ne pas revivre ce que l'on a déjà vécu parce que derrière c'est toute la filière qui paye, en particulier la filière de proximité et la filière bio. J'essaie de faire comprendre à tous ceux qui me demandent de multiplier les abattoirs, au nom de la proximité et de la filière bio, que le jour où l'on est confronté à des problèmes comme celui que l'on vient de connaître, le risque est de ne plus avoir aucune maîtrise. Maîtrisons ce que nous avons, améliorons le transport et limitons les stress. Je rappelle qu'un abattoir est un lieu économique où la rentabilité reste extrêmement faible, quoi qu'on fasse. Si tant d'abattoirs municipaux ont disparu au fil des ans, c'est bien parce que même les municipalités n'arrivaient plus à combiner les enjeux de respect des conditions sanitaires, de bien-être et d'équilibre économique. J'ai en tête le cas d'un abattoir municipal, situé dans l'Est de la France, concurrencé par d'autres abattoirs situés de l'autre côté de la frontière. C'est pourquoi, et j'ai bien réfléchi à la question, je ne suis pas favorable aujourd'hui à la multiplication des abattoirs.
Je ne peux pas être accusé de ne pas faire ce qu'il faut alors que c'est la première fois qu'a été mise en place une stratégie globale de bien-être animal. Hier, à Bruxelles, j'ai rappelé que le bien-être animal ne concernait pas seulement les animaux élevés dans des bâtiments : il faut aussi tenir compte de ceux qui sont en plein air. Le plein air fait partie des critères sur lesquels on doit s'appuyer pour mesurer le bien-être animal. Pour moi, c'est un enjeu majeur.
Un abattoir qui ne respecte pas les règles n'est pas agréé ; du coup, l'argument tombe. D'ici au mois de septembre il faudra surtout se pencher sur la question des sanctions. On l'a vu, certains directeurs d'abattoirs ont reporté la faute sur les employés, prétendant qu'il leur a suffi de s'absenter deux jours pour que le salarié fasse n'importe quoi. J'ai entendu des associations dire que c'est chaque fois la même chose, que les politiques disent qu'ils vont traiter le sujet, mais qu'une fois l'émotion passée ils passent à autre chose. En la matière, il faut mettre en place des éléments structurants qui permettent justement de garder la pression et surtout de protéger ceux qui informent. Car c'est bien cela le sujet : il y avait bien des référents bien-être animal dans les abattoirs du Vigan et de Mauléon, mais ils ne disaient rien. Si on ne protège pas les salariés et qu'on ne leur donne pas les moyens de dénoncer ce qu'ils voient, cela ne marchera pas. Et on aura beau mettre des vétérinaires partout, cela ne marchera pas non plus ; et on n'a pas le temps de le faire. La responsabilité des abattoirs doit aussi être engagée. C'est pourquoi je considère que ce sont des questions essentielles.
Vous m'avez interrogé sur la mise en place d'un étiquetage, en particulier pour la viande casher. C'est vrai, dans le rite casher, on ne mange que l'avant de l'animal. Or, jusqu'à nouvel ordre, un animal est génétiquement composé de deux parties et c'est tant mieux… Vous me dites ne pas vouloir manger le quartier arrière d'un animal qui aurait pu être abattu selon le rite casher. La probabilité est assez limitée, l'abattage casher n'étant pas aussi répandu que l'abattage halal. Mais le risque existe ; c'est donc une question de principe. Que va-t-il se passer si l'on met en place un étiquetage ? Il sera indiqué sur la barquette que l'animal a été tué selon le rite casher. Du coup, la moitié de l'animal ne sera pas commercialisable, alors même qu'il s'agit des parties arrière que nous, nous considérons comme les plus nobles… Autrement dit, c'est la fin. Chacun défend son point de vue ; mais pour ma part je ne suis pas favorable à l'étiquetage.
Les analyses scientifiques et les vétérinaires ont avancé sur la question de l'étourdissement. Il doit être fait dans de bonnes conditions. L'homme interviewé dans le journal Libération qui, je vous le rappelle, est technicien vétérinaire et non vétérinaire, exagère. Quand l'étourdissement est réalisé à l'aide d'un pistolet, l'animal est totalement insensibilisé. Mais il est possible que, selon ce qui s'est passé, ce ne soit pas toujours le cas. Ainsi, l'asphyxie des cochons au CO2 ne marche pas toujours. C'est un sujet technique qu'il faut améliorer. Et comme le temps de passage dans le bain est réduit, cela augmente les cadences et certains animaux passent au travers. Il a des exceptions partout.
Il y a deux ans déjà, j'ai présenté, avec Patrick Dehaumont, la stratégie de la France pour le bien-être des animaux. Le premier axe concerne la recherche, car je suis parfaitement conscient que des progrès doivent être faits dans ce domaine. Par ailleurs, la loi d'avenir pour l'agriculture a créé un Centre national de référence bien-être animal. Vous le voyez, nous n'avons pas attendu la diffusion de ces images pour faire quelque chose ; nous avions anticipé. C'est la première fois qu'a été définie une stratégie bien-être animal qui concerne à la fois la naissance, l'élevage et l'abattage. Ce n'est pas un sujet tabou.
Madame Abeille, vous me demandez si le bien-être animal est une priorité. Bien que le ministre de l'agriculture ait tous les jours beaucoup de dossiers sur sa table, cette question est pour moi restée prioritaire. Dès 2014, nous avions défini une stratégie spécifique en faveur du bien-être animal et certains articles de la loi d'avenir traitent de cette question. La DGAL et son directeur avaient parfaitement identifié ce sujet, et j'ai fait en sorte de le mettre en oeuvre. Nous n'avons aucune raison de ne pas vouloir améliorer le bien-être animal. Au contraire, tout doit être fait, car cela participe de notre capacité à maintenir les filières d'élevage et la consommation de la viande, même si elle diminue.
Maintenant, faut-il manger de la viande ? C'est une vraie question.