Il y a une question clé que je me pose depuis le début et que nous nous posons tous. Nous n'avons aucun état des lieux sur le point de savoir si la corruption a baissé depuis la signature de la convention de l'OCDE ; nous pensons qu'elle a baissé mais nous n'avons aucune certitude. Les sociétés américaines appliquent-elles la convention ? Je ne sais pas. Les sociétés d'États non parties à l'OCDE continuent-elles à corrompre ? Oui, c'est clair. Il y a nombre de pays qui ne sont pas liés par la convention et qui sont exportateurs de matières premières, d'infrastructures, d'armements, de marchés publics et autres.
Si nous voulons imposer la morale, il faut faire en sorte que les choses s'appliquent également à tous les partenaires. Les Américains utilisent à ce titre la formule « level playing field ». Mais je n'ai pas l'impression que cette formule soit respectée. Ainsi, dans le projet de loi Sapin 2, je voudrais m'assurer que l'on dispose de toutes les armes pour faire respecter la réciprocité.
Il ne faut pas se faire d'illusions, les informations recueillies par les autorités américaines proviennent des écoutes des agences de renseignements qui travaillent en lien avec le ministère de la justice. Cette pratique s'intitule le soft power, elle a même été conceptualisée. Je souhaiterais qu'au niveau français l'on fasse exactement de même et qu'on arrête d'avoir des sociétés françaises convoquées et soumises à des procédures américaines.
Concernant les moniteurs, la loi Sapin 2 prévoit une procédure de mise en conformité qui ne va pas jusqu'au monitoring. On pourrait envisager d'instaurer dans la loi française une procédure du même ordre, c'est-à-dire de faire en sorte qu'une société déclarée coupable de corruption soit tenue de mettre en place un dispositif de mise en conformité avec un contrôleur nommé par la France. Je désire que le jeu soit équitable pour tous et que, dès lors que serait repérée en France une société américaine ou autre qui se livre à des actes de corruption, on puisse lui infliger le même type de mesures que celles frappant les entreprises françaises.
Je souhaiterais aussi que l'on demande à l'OCDE de mettre en place un répertoire des mécanismes de contrôle qui permettent d'avoir une idée de l'efficacité de la convention, de déterminer les pays qui se livrent à ce genre de pratique. La transparence doit s'appliquer à chacun : notre intérêt national exige que nous nous donnions les moyens nécessaires pour faire appliquer la loi à toutes les sociétés présentes sur le sol français, ce avec une définition de la territorialité inspirée de la loi anglaise, mais également que les informations soient publiques et que l'on puisse avoir à disposition un instrument juridique contraignant s'appliquant à tous.