Intervention de François Bourdillon

Réunion du 18 mai 2016 à 18h15
Commission des affaires sociales

François Bourdillon :

Ma candidature à la direction de l'Agence nationale de santé publique vous étant proposée par le Gouvernement, je vais me présenter et témoigner du travail de préfiguration que j'ai effectué pendant vingt mois au sein de l'InVS, de l'INPES et avec l'ÉPRUS. Je voudrais d'abord remercier le Gouvernement et notamment la ministre de la santé pour la confiance, le temps et le soutien indispensable qu'ils m'ont accordés pendant ces vingt mois. Je remercie aussi la commission des affaires sociales pour tous les échanges fructueux que nous avons eus lors de l'élaboration de la loi de modernisation du système de santé.

Avant d'être le directeur général de l'InVS et de l'INPS, j'étais chef du pôle de santé publique, de l'évaluation et des produits de santé à la Pitié-Salpêtrière. J'y étais responsable de la santé publique, de la pharmacie et de l'addiction. Je suis depuis trente ans un professionnel de santé publique. C'est ma marque de fabrique, si bien que lorsqu'on m'a proposé de créer une agence nationale de santé publique, il m'a été difficile de refuser, même si j'étais particulièrement bien intégré au sein de la Pitié-Salpêtrière. Je suis aussi un professionnel de santé issu de la génération SIDA : j'ai été clinicien du SIDA jusqu'en juin 2014 avant d'être le directeur général de l'InVS, et recevais en consultation une fois par mois. J'ai bien sûr des compétences en épidémiologie. J'ai été vice-président du Conseil national du SIDA et vice-président de Médecins sans frontières où j'étais chargé de cette maladie. Enfin, depuis vingt mois, je préfigure l'Agence nationale de santé publique, dont la marque « Santé publique France » figure dans la loi de modernisation du système de santé, et suis candidat à sa direction générale.

Vingt mois constituent un temps appréciable pour préfigurer la création d'une agence. J'ai travaillé en plusieurs étapes. Nous avons tout d'abord établi un diagnostic de l'existant. Puis nous avons rédigé un rapport de préfiguration définissant la vision politique de la future agence. Nous avons ensuite oeuvré à l'élaboration de la programmation de l'année 2016. Enfin, nous avons travaillé sur l'organisation et sur les textes constitutifs de cette nouvelle agence – l'ordonnance puis le décret parus en avril dernier.

Le diagnostic de l'existant a constitué une étape extrêmement importante, faisant suite à la lettre de mission par laquelle Mme Marisol Touraine me confiait la préfiguration de l'agence. J'ai utilisé une méthode très participative : en m'appuyant sur l'ensemble du personnel ainsi que sur des groupes de travail et en recourant à des lettres de mission, j'ai réussi à mobiliser deux cents des six cents personnes de l'agence. L'ensemble de leurs contributions m'a permis d'écrire le rapport de préfiguration de la future agence et de la doter d'une vision politique.

Je voudrais insister sur la phase de dialogue social que j'ai instituée avec les agents. J'ai réuni tous les deux mois en assemblée générale l'ensemble du personnel pour pouvoir lui présenter l'avancement de nos travaux, et, tous les mois, une douzaine de personnes issues du personnel, toutes catégories sociales confondues, afin d'avoir des tête-à-tête avec l'ensemble des agents. Nous avons rencontré les organisations syndicales tous les mois et rédigé une lettre d'information. Cette approche très sociale, dans la construction de cette future agence, est, je crois, un gage de réussite.

Le rapport de préfiguration est crucial en ce qu'il exprime les valeurs et principes fondateurs, les missions et la vision qui est la nôtre, ainsi que la définition des grands enjeux à venir. Notre objectif est de construire une agence nationale de santé publique ambitieuse à l'image de ce qui a été fait aux États-Unis ou en Angleterre et de mettre à plat certains éléments en termes de prévention – domaine dans lequel la France a pris du retard. Nous avons depuis longtemps misé sur les soins plutôt que sur la prévention, le budget consacré à cette dernière ne représentant que 7 % du budget de la santé. Nous avons donc essayé de donner du sens à la fusion entre organismes, en faisant comprendre aux professionnels de santé de l'agence que l'épidémiologie devait induire la prévention. Nous avons essayé de repenser la prévention et la promotion de la santé afin de prendre de la distance avec une stricte logique de campagnes – l'INPES ayant souvent été perçue comme l'agence de communication du Gouvernement en matière de prévention. Nous avons voulu dire qu'il était très important aujourd'hui de moderniser nos pratiques et de nous appuyer de manière plus visible sur le numérique, les réseaux sociaux, les applications de smartphone et internet, à des coûts moins élevés. Nous avons souhaité affirmer, à l'image de ce que font les grandes agences nationales de santé publique, que l'on pouvait travailler dans une logique de marketing social, consistant à mettre en cohérence l'ensemble des actions de prévention issues des connaissances épidémiologiques sur les comportements.

Parmi les autres enjeux à souligner, citons, en matière d'épidémiologie, le passage au big data. L'InVS gère aujourd'hui d'immenses bases de données et de multiples sources qu'il faut mettre en cohérence. Il s'agit de faire en sorte que celles-ci soient analysables et qu'on puisse leur donner du sens. Il serait bien que nous puissions demain faire la « météo » des maladies et que tout un chacun puisse suivre sur son smartphone les épidémies – de grippe, de zika ou de gastro-entérite par exemple – qui sévissent chaque année dans notre pays.

L'enjeu, en matière d'urgences sanitaires, réside dans une meilleure évaluation des besoins grâce à l'épidémiologie. Il s'agit aussi d'offrir demain la possibilité aux agences régionales de santé (ARS) de saisir autant que de besoin les réservistes sanitaires et d'avoir des stocks stratégiques à notre disposition, qui répondent aux attentes de la société.

Une fois rédigé notre rapport de préfiguration, nous avons travaillé à l'élaboration de notre programmation. Notre objectif était de rendre lisibles pour le grand public les 600 actions de l'ensemble des trois agences et donc de les regrouper sous trente programmes et cinq axes. Le premier concerne la population, avec un travail sur les différents âges et étapes de la vie – la petite enfance, l'enfance, l'adolescence, la vulnérabilité et le grand âge. Le deuxième est consacré aux déterminants de santé – cruciaux en matière de prévention, avec un sous-axe consacré à l'addiction au tabac et à l'alcool ainsi qu'à la toxicomanie. J'ai demandé que l'on puisse disposer très vite dans notre pays d'une mesure annuelle du nombre annuel de fumeurs – puisque nous n'en disposons aujourd'hui que tous les cinq ans. Le troisième axe vise les pathologies, le quatrième, les infrastructures et le cinquième, les territoires – une attention particulière étant portée aux départements d'outre-mer.

Il reste encore beaucoup à faire, notamment à regrouper l'ensemble du personnel. Car nous sommes aujourd'hui situés sur quatre sites différents : l'un à Saint-Maurice, deux en Seine-Saint-Denis et un autre dans le vingtième arrondissement. Nous espérons pouvoir regrouper l'ensemble des agents en janvier 2017 et avons entrepris un projet immobilier ambitieux visant à construire sur le site de Saint-Maurice un troisième bâtiment pour accueillir dans de bonnes conditions l'ensemble du personnel.

Je remercie la direction générale de la santé pour son soutien et son appui dans la construction de l'agence. Dans le système d'agences, la DGS est le chef d'orchestre et pilote les différentes politiques de santé. Nous avons maintenant une agence qui est clairement au service des populations, Santé publique France ; une agence d'analyse des risques, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), dont vous avez auditionné le futur directeur général tout à l'heure ; l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ; enfin, la Haute autorité de santé, agence consacrée aux pratiques médicales.

Je dirai quelques mots de nos priorités de travail rénovées pour l'année en cours et l'année à venir.

Nous porterons une attention très forte au tabac. Mme Marisol Touraine vient d'ailleurs d'annoncer, à quelques jours de la journée mondiale sur le tabac, la création d'un Fonds tabac doté de 32 millions d'euros – décision dont je me réjouis. Nous construisons de manière extrêmement volontariste et proactive une opération que nous voudrions de la taille du Téléthon pour le mois de novembre, intitulée « Mois sans tabac ». On considère en effet que qui arrête de fumer pendant vingt-huit jours a cinq fois plus de chances d'arrêter définitivement. L'expérience qui a été menée depuis plusieurs années en Angleterre étant très constructive, nous espérons enfin réussir, grâce à cette opération, à diminuer le nombre – désespérément haut – de consommateurs de tabac dans notre pays.

Nous souhaitons aussi rénover notre manière de parler de la santé sexuelle afin de ne plus seulement parler de maladies ou d'infections sexuellement transmissibles. Il nous paraît important de pouvoir aborder les questions de sexualité non seulement sous l'angle des maladies mais aussi sous celui du plaisir et de la contraception. Nous proposerons très rapidement, une fois l'ensemble de nos sites fusionnés, une approche rénovée en ce domaine.

Les maladies émergentes sont un souci permanent. Le rapprochement entre l'InVS et l'INPES permet de disposer en temps de crise d'une capacité d'information et d'éducation à la santé en la matière. Nous avons vu à quel point il était précieux, face à l'épidémie de zika, de pouvoir allier les différents métiers. L'ÉPRUS nous a permis d'envoyer de très nombreux réservistes dans les départements français d'Amérique pour suppléer les services de réanimation sur place – avec les complications de Guillain-Barré qui peuvent survenir à la suite de cette épidémie – et pour améliorer le suivi des femmes enceintes.

En matière de vaccination, nous allons nous mobiliser pour accompagner le secrétariat de la Conférence nationale sur la vaccination animée par le professeur Alain Fischer. Notre ambition est de pouvoir disposer d'un site sur la vaccination qui soit le premier site référencé des autorités publiques sur internet. Aujourd'hui, lorsque vous recherchez un site à ce sujet, vous tombez plutôt sur des sites anti-vaccinaux. Or, il importe que ceux qui veulent s'informer puissent accéder à des renseignements validés par les autorités publiques.

Nous avons également des ambitions en matière d'environnement, s'agissant notamment de la pollution atmosphérique ainsi que des sites et sols pollués. L'InVS a effectué, à la demande des agences régionales de santé, plus de cent investigations en cinq ans car notre pays a été pollué par de nombreuses industries. Il faut donc trouver des réponses pour protéger les populations.

Enfin, nous voulons pouvoir aborder dans le cadre du parcours éducatif en santé, mesure prévue par la loi de modernisation du système de santé, toutes les questions relatives à la santé des jeunes et des adolescents – notamment les addictions mais aussi la santé sexuelle et le renforcement des compétences psychosociales. L'objectif est d'apprendre aux jeunes à gagner en autonomie et à savoir dire non à une cigarette ou à un verre d'alcool de trop, compte tenu du développement du binge drinking.

Voilà ce que je souhaitais vous dire en introduction.

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