Intervention de Pierre Lequiller

Séance en hémicycle du 25 mai 2016 à 15h00
Débat sur la mise en oeuvre du plan juncker de soutien à l'investissement au sein de l'union européenne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lequiller :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, l’intuition de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, selon laquelle l’investissement est un enjeu fondamental et prioritaire pour la reprise de la croissance dans les années à venir, a été la bonne. Certes, il reste quelques lacunes d’application et de portée, les régions européennes ne s’étant pas suffisamment saisis de cette opportunité, et il sera sûrement nécessaire de redéfinir certains objectifs. Néanmoins, pour l’heure, je tiens à souligner le constat général positif et unanime établi par la commission des affaires européennes, et veux féliciter une nouvelle fois mes collègues Arnaud Richard et Razzy Hammadi pour leur excellent rapport d’information.

Adopté par le Parlement européen le 24 juin 2015, pleinement opérationnel depuis septembre 2015, le plan Juncker est une réponse rapide et concrète à un enjeu préoccupant pour l’ensemble des États membres de l’Union. Retenant les projets au regard de l’intérêt européen et de leur valeur ajoutée économique et sociale, avec beaucoup de flexibilité et de rapidité d’exécution, ce plan a déjà permis notre collègue Savary l’a dit – la mobilisation de 82,1 milliards d’euros d’investissements en 2015, soit 26 % de l’objectif de 315 milliards sur trois ans, grâce à un effet de levier de facteur quinze.

La France est le troisième bénéficiaire du plan, derrière l’Espagne et l’Italie. De l’avis de tous, sans la BEI et le plan Juncker, elle n’aurait pas pu mobiliser cet argent. La présence de la BEI a joué comme un label, rassurant les investisseurs.Déploiement de la fibre optique, rénovation thermique des bâtiments, décarbonation, dépollution des sites, accords avec des banques ou des fonds de capital-risque qui pourraient financer jusqu’à 37 000 petites entreprises et start-up… Il manque toutefois à ce plan d’être beaucoup plus connu et présenté notamment aux collectivités territoriales. Par exemple, comme le souligne la commission des affaires européennes dans son rapport d’information, l’Île-de-France y a eu insuffisamment recours au cours de la mandature précédente – pour des raisons idéologiques, d’ailleurs.

Aux gouvernements européens d’en faire maintenant un vrai succès européen, en créant les conditions pour que ce plan soit le catalyseur d’une relance de la compétitivité de nos économies nationales, en effectuant les réformes nécessaires pour que ne soit plus grippée la machine à investir, de manière à susciter une grande relance de la croissance et de l’emploi. Comme l’a précisé le président de la BEI, mon ami Werner Hoyer, ancien ministre d’État allemand chargé des affaires européennes, l’Europe a « besoin d’innovation, d’innovation et encore d’innovation ».

J’insiste sur ce point : le plan Juncker est insuffisant ; il doit être accompagné de réformes courageuses pour créer les conditions de marché incitant les entreprises, notamment françaises, à investir. Un des défis majeurs, pour certains États, est d’assurer la crédibilité de leur politique économique.

Ernst & Young rendait public hier matin le décalage total qui existe entre la France et ses voisins européens. Le nombre de projets d’investissement est globalement en hausse de 14 % chez nos voisins, et le Royaume-Uni et l’Allemagne distancent largement la France ; chez nous, il a baissé de 2 % en 2015 par rapport à 2014. L’effet se fait ressentir dans tous les secteurs. Moins d’un quart des investisseurs envisagent des projets en France cette année – le chiffre est en baisse de 11 % par rapport à 2015.

Aux yeux des étrangers, la France était a priori attractive dans le domaine de la recherche et du développement. Toutefois, même dans ce domaine, les choix gouvernementaux sont mauvais : en 2016, il est prévu d’opérer des coupes budgétaires de 114 millions d’euros, qui toucheraient le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, et le Centre national de la recherche scientifique.

De toute évidence, depuis le début de son mandat, François Hollande fait les mauvais choix pour notre pays, en ne réduisant pas le déficit au-dessous de 3 %, ce qu’il avait pourtant promis pour 2013, en ne conduisant pas les vraies réformes structurelles que tous nos partenaires européens ont effectuées, en n’ayant aucune vision de long terme, ni pour la France ni pour l’Europe. Le commissaire Moscovici, ancien ministre de l’économie et des finances de François Hollande, est le premier à demander des actes et des initiatives à ce dernier. Pour que l’Europe soit forte, il est vital d’avoir une France forte. François Hollande, depuis quatre ans, ignore les appels du pied de la Commission européenne et ignore toute remarque venant de nos bancs.

S’engager dans ces réformes, c’est être résolument européen. Il est grand temps que la France prenne l’initiative d’un approfondissement de la zone euro et lance de nouvelles politiques communes, comme le groupe Les Républicains le réclame depuis longtemps : politiques de l’énergie, de l’industrie, de la recherche et du développement, du numérique, harmonisation fiscale.

En conclusion, le plan Juncker est une excellente initiative, mais qui doit être étayée et soutenue par une réforme profonde du fonctionnement de l’Europe, laquelle ne pourra venir que du couple franco-allemand, malheureusement mal en point aujourd’hui.

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