Intervention de Samir Hariche

Réunion du 10 mai 2016 à 16h45
Commission des affaires européennes

Samir Hariche, directeur de la mission locale de Bondy :

La Garantie jeunes prend à contre-pied la démarche classique des missions locales, car le projet professionnel ne l'emporte pas sur le pragmatisme. Habituellement, le projet professionnel vient en premier lieu parce qu'il étaye la trajectoire : en effet, il paraît évident qu'une fois le projet établi par le jeune, son investissement et sa motivation viendront naturellement. Avec la Garantie jeunes, nous essayons de faire les choses différemment. L'idée du work first est fondée sur le fait que les opportunités d'un jeune augmentent s'il est sur le terrain, en entreprise. Si le jeune est en contact avec des personnes actives et en totale immersion dans le monde du travail, il aura davantage de chances de comprendre ce qui peut l'intéresser en termes de tâches et de conditions de travail.

Le cas de Fatoumata montre qu'au-delà d'une activité alimentaire, le travail consiste à stabiliser les jeunes, à les sortir de la « zone rouge » où la survie prend le dessus sur tout. Le succès de la Garantie jeunes tient sans doute au fait qu'elle permet de sortir de l'isolement, de briser un carcan totalement oppressant qui empêche toute confiance en soi et toute socialisation. D'une situation sans espoir, dans laquelle il se heurte à des murs, le jeune est invité à suivre une méthode très simple : nous le mettons immédiatement en situation et, en même temps, nous réglons les problématiques sociales. Ainsi, nous échappons à la situation du « serpent qui se mord la queue » : comment accéder au logement sans un emploi, mais comment trouver un emploi sans un logement ?

Nous avons passé quelques partenariats. En matière de logement, nous avons obtenu des foyers de jeunes travailleurs qu'ils réservent des places dédiées aux allocataires de la Garantie jeunes. Il est impossible de commencer une trajectoire d'insertion sociale et professionnelle si toute l'énergie et toutes les maigres ressources sont consacrées à la survie. Ainsi nous permettons aux jeunes de dégager de la ressource temps : la jeunesse a beau être « multitâche », il arrive un moment où il est impossible de cumuler : survie, apprentissage, recherche d'emploi, qualification ...

Nous avons identifié dix compétences, dites « fortes », pour s'insérer professionnellement dans n'importe quelle activité. Le travail en équipe apparaît comme nécessaire et peut s'apprendre ailleurs que dans le métier que l'on souhaite exercer. Cette approche pragmatique augmente le champ des possibles, et permet de chercher un emploi dans tous les domaines. Fatoumata a ainsi pu passer d'un mi-temps précaire à une situation plus stable qui lui a permis de trouver un logement. Après six mois difficiles, elle est maintenant en mesure, dans les six prochains mois, de passer à autre chose, et de construire un projet professionnel. Cela ne pouvait pas être la priorité lorsqu'elle est entrée dans le dispositif.

Passer la porte de la mission locale en se disant que l'on va peut-être trouver de l'aide, c'est déjà franchir un cap. Cette démarche est très pragmatique, c'est ce qui permet son fonctionnement. Jamais je ne me suis dit que je deviendrai un jour directeur d'une mission locale ; j'ai profité de l'école, j'ai étudié, travaillé dans plusieurs secteurs, rencontré des gens et, par ricochets, je me suis retrouvé dans la voie que j'ai fini par épouser.

Nos jeunes passent un an dans une dynamique de ce type : ils voient « à l'usage » si quelque chose leur plaît, si cela déclenche des vocations. Ils ne sont pas seuls face à un logiciel qui détermine de façon théorique ce qui devrait leur plaire ; ils sont dans une expérience pratique. Grâce aux stages, aux emplois qu'ils acceptent – même si ce n'est pas ce qu'ils recherchent –, ils capitalisent des compétences dont ils auront besoin dans leur futur professionnel.

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