Intervention de Louis Schweitzer

Réunion du 18 juillet 2012 à 10h00
Commission des affaires économiques

Louis Schweitzer :

Sans doute. Détenir une part du capital d'une entreprise y donne à l'État des moyens d'action. On l'a vu dans le secteur automobile : sa capacité d'action n'était pas la même vis-à-vis de Renault ou de PSA.

Un mot de l'Europe. Il est vrai qu'il est beaucoup plus facile de coopérer à un petit nombre de pays mais au sein même de la zone euro, certains pays à très bas coût de main-d'oeuvre sont pour nous des concurrents. Les politiques européennes de la concurrence et du commerce international ne peuvent pas être conduites au niveau de la zone euro, laquelle ne comporte pas de frontières au sein de l'Union. Ces deux politiques européennes, déterminantes en matière industrielle, sont menées à vingt-sept. Il faut trouver le moyen d'amener la Grande-Bretagne de notre côté, ce qui n'est pas toujours facile.

Je ne crois pas beaucoup à une politique industrielle européenne active. On discourt depuis longtemps sur le sujet mais, l'expérience l'a prouvé, la règle du juste retour conduit à ce qu'on saupoudre des crédits, avec un coût de distribution élevé et de très longs délais d'attribution.

L'Union européenne devrait se concentrer sur les négociations commerciales internationales et revoir sa politique de la concurrence.

Sur le coût du travail ou la BPI, je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit Jean-Louis Beffa.

Sur la nécessité de parler davantage de l'entreprise à l'école, j'applaudis des deux mains, de même que sur les gaz de schiste.

Je voudrais souligner l'importance de la flexibilité – par quoi je n'entends pas une plus grande facilité à licencier. Je pense aux contrats à durée déterminée, aux mesures de chômage partiel ou bien encore au passage en troisième équipe. En 1992, Renault manquait de capacités pour faire face à la demande. Nous avions le choix entre construire une usine, ce que nous aurions nécessairement fait dans un pays à bas coût de main-d'oeuvre, ou introduire une troisième équipe, de nuit, dans nos usines françaises. C'est ce dernier choix que nous avons fait. Cela était économiquement rationnel car cela nous évitait de coûteux investissements. Si cette flexibilité n'avait pas été possible, nous aurions construit une usine à l'étranger. Et lorsque les ventes auraient diminué, car l'industrie est cyclique, ce n'est pas la dernière usine construite, la plus moderne, que nous aurions fermée, mais d'autres, plus anciennes, en France.

Comme Jean-Louis Beffa, je pense que la fermeture de l'usine d'Aulnay est inévitable. Si Renault va mieux que PSA en ce moment, c'est qu'il a en son temps pris le contrôle de Nissan, racheté Dacia et est entré au capital de Volvo Trucks avec sa branche Renault Véhicules industriels. C'est en se mondialisant que Renault s'est évité certains problèmes en France !

Il n'appartient pas à l'État de définir la politique des filières industrielles. C'est aux filières de proposer la leur et de dialoguer ensuite avec l'État. Je suis frappé du patriotisme industriel des chefs d'entreprise allemands. Il n'existe rien d'analogue chez les chefs d'entreprise français. Il faudrait que leur mentalité évolue sur ce point. Le dialogue devrait y aider.

Dernier point : lorsque des actionnaires exigent une rentabilité de 10 % ou 15 %, voire 20 %, dans un monde où la croissance n'est en moyenne que de 3 % par an, cela conduit à réduire les investissements, donc les capacités de croissance et, partant, à faire arbitrer, en contexte de reprise, en faveur d'une hausse des prix plutôt que d'une croissance de la production. Or, c'est l'inverse qui serait préférable.

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