Intervention de Jean-François Clair

Réunion du 19 mai 2016 à 9h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Jean-François Clair, inspecteur général honoraire de la police nationale, ancien directeur-adjoint de la direction de la surveillance du territoire, DST :

J'ai dirigé la section antiterroriste, puis la division, le département, la sous-direction – au fur et à mesure qu'elle prenait de l'ampleur – de 1983 à 1997, avant de devenir directeur-adjoint de la DST. Je connais donc les difficultés du travail quand le nombre de suspects passe de quelques dizaines à des centaines, voire des milliers. Lorsque le Livre blanc de 2008 a créé la communauté du renseignement, la DGSE s'est vu affecter 900 effectifs supplémentaires sur cinq ans tandis que le renseignement intérieur ne recevait rien ; il a fallu attendre 2014 pour qu'il reçoive du personnel en plus.

Si la gendarmerie est intégrée dans la communauté du renseignement, il faudra aussi intégrer la police, car la gendarmerie est une police qui travaille sur une partie du territoire tandis que la police travaille sur l'autre partie.

La réforme de 2008 n'a pas été complète. Il y avait longtemps que nous souhaitions mettre fin à la très nuisible concurrence entre les RG et la DST dans la lutte antiterroriste. Avant l'apparition du terrorisme djihadiste, la plupart des terroristes venaient de l'extérieur – depuis lors, il s'agit d'une population française. Les RG surveillaient les communautés à risque et recevaient des tuyaux mais, la coordination n'existant pas, ils les gardaient pour eux. La sous-direction de l'information générale (SDIG) a donc été créée, mais cela a été mal pensé. Les anciens de la DST qui n'ont pas rejoint la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) née de la fusion des RG et de la DST se sont sentis abandonnés. Il a fallu attendre la création de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et du renseignement territorial en 2014 pour que les attributions soient clairement définies. Les gendarmes font partie du renseignement territorial.

Une coordination permanente a lieu dans les locaux de la DGSI entre services de renseignement, le but étant de se répartir le travail. Le renseignement territorial est présent dans tous les départements mais il ne s'occupe pas de toutes sortes de sujets comme les RG le faisaient à la demande des préfets, qu'ils informaient de la situation dans les départements. L'UCLAT n'est pas un service opérationnel. La seule fois où elle l'a été, c'est pendant les attentats de 1995, quand le directeur général de la police nationale l'a dirigée personnellement, avec l'autorisation des services n'appartenant pas à la police. L'UCLAT sert à échanger des renseignements. C'est elle qui gère, d'après ce que j'ai compris, le fichier des djihadistes.

S'agissant des écoutes, quand il n'y a plus d'appels, on passe à autre chose. Quant aux fiches S, ce sont des fiches d'attention ; pour qu'elles soient utiles, il faut que les gens soient contrôlés.

L'échange entre services de renseignement intérieur marche très bien en Europe – ces services se rencontrent dans le cadre du Club de Berne –, mais ce n'est pas de la coopération opérationnelle, laquelle se fait entre services travaillant sur une affaire commune. Pour que la coopération internationale fonctionne, il faut que tous les pays s'investissent. Or, quand un pays n'a pas été frappé, il ne s'investit pas pleinement, et il y a en effet des « trous dans la raquette ». La France s'investit depuis les années quatre-vingt-dix, de même que l'Angleterre, depuis qu'ils ont eu le représentant du GIA algérien sur leur sol.

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