Intervention de François Heisbourg

Réunion du 19 mai 2016 à 9h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

François Heisbourg, conseiller spécial du président de la Fondation pour la recherche stratégique :

La DGSI est clairement sous-financée. Je ne considère pas qu'il faille viser une parité avec la DGSE, pour la bonne raison que cette dernière est mère porteuse dans le domaine technologique – c'est une différence de nature entre les deux services –, mais il y aurait tout de même intérêt à faire converger les moyens.

La France a fait le choix d'avoir une gendarmerie d'un côté et des polices de l'autre ; à moins de remettre un tel choix en cause, à l'instar des Néerlandais quand ils ont supprimé la maréchaussée royale il y a une trentaine d'année, il faudra continuer à vivre avec ce modèle. Je ne suis d'ailleurs pas certain qu'il soit mauvais, mais je partage le point de vue de M. Clair sur le fait que le renseignement de proximité ne doit pas être incorporé dans la DGSI. Une façon de dire que c'était une erreur de tenter de fusionner les RG et la DST.

Je suis frappé par la difficulté que nous avons à vivre avec les conséquences du développement technologique. Quand on acquiert la capacité d'intercepter simultanément des millions de communications, comment gère-t-on, intellectuellement, conceptuellement, doctrinalement ? On ne le sait pas. Dans l'affaire Manning, ce n'est pas le niveau de classification des données livrées par M. Manning qui était le problème majeur, c'était surtout le côté big data. Comme beaucoup d'autres, j'ai regardé si je figurais dans les télégrammes : c'était le cas. Je constate qu'y figurait une autre personne dont l'anonymat était censé être protégé par les Américains ; ils avaient écrit, à côté du nom, « strictly protect ». J'ai entré ces mots « strictly protect » dans le moteur de recherche et j'ai ainsi obtenu, en l'espace d'un click, quelque 3 200 noms. Tel chef d'entreprise allemand a dû céder sa place car il travaillait contre les intérêts de son pays pour les Américains, et ainsi de suite. C'est un exemple très pratique de ce que donne le big data. L'affaire Snowden a été de ce point de vue l'étalon or. La maîtrise conceptuelle et doctrinale de la technologie compte peut-être plus encore que le développement technologique lui-même.

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