L'histoire des études féministes en France et l'histoire de l'ANEF sont intimement liées.
L'acte fondateur de l'institutionnalisation des études féministes remonte au colloque national des études féministes de décembre 1982, dit colloque de Toulouse. Plusieurs des participantes, dont j'étais, exprimèrent le souhait qu'il ne reste pas un succès sans lendemain et qu'il aboutisse à la création de structures permettant aux études féministes de se développer. La dernière séance fut consacrée à cet objectif mais, faute d'accord, il ne put se concrétiser. Certaines participantes, surtout du Sud, refusèrent en effet l'idée d'une association nationale et plusieurs associations régionales furent alors créées : l'Association pour la promotion des études féministes (APEF) pour la région de Paris et de l'Île-de-France, la seule à devenir vraiment active, mais aussi le Centre lyonnais des études féministes (CLEF), ainsi que des associations à Tours, Toulouse, Nantes et dans d'autres villes. Il fallut attendre 1989 pour que ces associations régionales se rallient à l'idée de créer une association nationale, notamment pour participer à des réseaux européens et internationaux. C'est ainsi que l'Association nationale des études féministes (ANEF) fut fondée.
Pour bien saisir cette émergence, il importe de rappeler le contexte politique des années quatre-vingts.
Le colloque de Toulouse fait suite au grand colloque national sur la recherche et la technologie organisé en 1982 par Jean-Pierre Chevènement, ministre de la recherche et de l'industrie, peu de temps après l'élection de François Mitterrand. Des chercheuses féministes ayant participé aux travaux préparatoires des assises régionales réussirent à s'exprimer lors de sa dernière séance puis obtinrent un rendez-vous au ministère de la recherche qui leur permit de mettre sur pied ce colloque intitulé « Femmes, féminisme et recherche ».
L'anthropologue Maurice Godelier, directeur du département des sciences de l'homme et de la société au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), créa ensuite une action thématique programmée (ATP) « Recherches sur les femmes et recherches féministes », grand succès qui permit de financer soixante-huit recherches sur quatre ans, lesquelles donnèrent lieu à la publication de deux livres.
Par ailleurs, quatre postes de maîtres de conférences dédiés aux études féministes furent créés à la demande d'Yvette Roudy, alors ministre déléguée aux droits de la femme.
Toutefois, ces avancées furent suivies d'une période d'atonie : l'ATP du CNRS ne déboucha sur rien et seuls trois des quatre postes furent pourvus sans être suivis de nouvelles créations. Il fallut attendre 1991 pour que deux nouveaux postes soient créés, postes obtenus grâce à l'action de l'ANEF qui avait pris soin d'élaborer un dossier très étayé à destination du ministère de l'enseignement supérieur.
L'étape suivante s'est située dans ce que l'on pourrait appeler les années Jospin. L'élaboration de la convention pour la promotion de l'égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif, reconduite depuis d'année en année, a marqué un tournant important. Francine Demichel, directrice de l'enseignement supérieur au ministère de l'éducation, a constitué alors, avec l'aide de chargées de mission comme Armelle Le Bras-Chopard, un réseau d'expertes qui ont procédé à un recensement des enseignements et des recherches sur le genre ou prenant en compte la dimension du genre. Ce fut le premier recensement officiel et l'ANEF, forte de son expérience, remporta l'appel d'offres portant sur l'analyse des données recueillies.