Intervention de Sonia Lagarde

Séance en hémicycle du 26 mai 2016 à 15h00
Autonomie des femmes étrangères — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSonia Lagarde :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis afin de discuter de la proposition de loi du groupe GDR « pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères ». Ce texte vise à favoriser l’indépendance des femmes étrangères résidant légalement en France : il s’agit, d’une part, de leur garantir une protection dans le droit français, et, d’autre part, de leur permettre de disposer d’un titre de séjour qui ne les place pas dans une situation de dépendance vis-à-vis de leur conjoint ou de leur famille. Il s’agit ainsi, pour l’essentiel, d’améliorer les conditions de résidence légale de ces femmes.

Depuis le début de la législature, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants n’a cessé de se positionner en faveur du droit des femmes et de la lutte contre les violences qui leur sont infligées, que celles-ci soient d’ailleurs physiques ou psychologiques. Entre autres propositions, les députés de l’UDI avaient notamment souhaité, lors de l’examen de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité entre les femmes et les hommes, donner compétence au juge des affaires familiales pour ordonner l’évacuation du conjoint violent dans le cadre d’une ordonnance de protection en cas de mise en danger de la personne victime de violences exercées au sein du couple.

En effet, un rapport parlementaire paru en janvier 2012 constatait que la mise en oeuvre de l’ordonnance de protection était souvent beaucoup trop lente. D’ailleurs, la loi de 2014 a introduit fort justement des dispositions visant à protéger les femmes étrangères victimes de violences conjugales, à l’instar de l’exonération de taxes et de droits de timbre lors de la délivrance et du renouvellement de leur titre de séjour. En outre, le renouvellement de la carte de séjour d’une étrangère victime de violences conjugales est permis, quelle que soit la cause de la rupture de la vie commune, pendant toute la durée de la procédure engagée. En cas de condamnation des auteurs de violences, cette même loi prévoit la délivrance de plein droit d’une carte de résident.

Tout récemment, la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a porté une attention toute particulière aux ressortissants étrangers victimes de violences au sein du couple ou de la famille. Elle contient des mesures visant à accroître la protection des victimes de violences physiques ou psychologiques dans le cadre familial, comme le renouvellement de plein droit de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » du conjoint de Français victime de violences conjugales.

Le groupe UDI considère que la lutte contre les violences faites aux femmes, pour leur autonomie et leur indépendance, ne peut être menée en multipliant les dérogations à la législation sur les titres de séjour et au droit des étrangers, comme le suggérait le texte initial de Marie-George Buffet.

Je tiens, madame la rapporteure, à saluer votre ambition, noble, de vouloir redonner de l’autonomie aux femmes qui subissent des violences et se retrouvent dans l’incapacité de déposer plainte. Sachez que nous sommes conscients de l’existence de situations dans lesquelles des femmes, par crainte de se voir retirer leur carte de séjour, sont contraintes de demeurer au sein d’un foyer abusif. Malgré les apports des nouvelles dispositions législatives de 2014 et de 2016, leur dignité et leurs droits ne sont toujours pas suffisamment garantis.

Nous devons faire en sorte que moins de femmes se voient ainsi reléguées au rang d’épouses subordonnées à la nationalité de leur conjoint. Pour autant, les solutions préconisées par cette proposition de loi ne nous semblent pas adaptées, en dépit des travaux de la commission des lois qui ont permis de supprimer plusieurs articles particulièrement problématiques.

Je pense notamment à l’article 1er, qui portait à quatre ans la durée de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », et qui était bien évidemment antinomique avec le principe de progressivité du droit au séjour.

L’article 2, qui avait pour ambition de faire bénéficier les femmes victimes de violences des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, plus favorables que celles prévues par les accords bilatéraux conclus avec leur pays d’origine, était tout bonnement contraire à la Constitution, les traités ou accords bilatéraux ayant une valeur supérieure aux lois.

Avec la suppression de la moitié de ses articles, force est de constater que la proposition de loi a été considérablement vidée de sa substance. Seul l’article 4, qui étend utilement la protection des victimes de violences conjugales aux victimes de violences familiales dans le cadre du regroupement familial, nous semble opportun. Il s’agissait là de combler une lacune fort dommageable pour les victimes.

Quant aux dispositions restantes, elles demeurent problématiques car elles rendent automatique, donc sans avis discrétionnaire de l’autorité administrative, la délivrance de la carte de séjour dans certains cas. Elles rendent notamment obligatoire la délivrance en cas de plainte pour violences, une hypothèse qui nous paraît par trop imprécise. Pour ces raisons, le groupe UDI ne peut soutenir ce texte en l’état.

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