L’article 6 de la proposition de loi entend créer un cas de délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l’étranger victime d’infractions, lorsque les violences ont entraîné une mutilation, une infirmité permanente ou une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, si les procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours.
Il étend la délivrance d’une carte de séjour temporaire de plein droit – carte jusqu’alors réservée aux victimes de violences conjugales ou familiales, ainsi qu’aux victimes de la traite des êtres humaines – à toutes les victimes, quelle que soit la nature des violences ou le contexte dans lequel elles ont lieu.
Ce nouveau cas de délivrance d’un titre de séjour est pourtant d’une nature différente des deux cas précités. En effet, s’agissant des victimes de la traite des êtres humains, il y a un lien entre la traite et la délivrance du titre de séjour, en ce que la traite a conduit le bénéficiaire du titre en France, a priori contre son gré. La traite est donc constitutive de la migration de la personne en France. Une fois arrivée, celle-ci dénonce les auteurs du délit. Il y a une logique à ce que la victime, au lieu d’être renvoyée dans son pays, obtienne un titre de séjour qui, de surcroît, contribue à la protéger contre le réseau dont elle a été victime.
S’agissant des violences conjugales ou familiales, cet article vise à octroyer aux victimes un droit au séjour autonome, en dépit de la disparition du lien familial ou privé, dont elles pouvaient se prévaloir auparavant, dans la mesure où elles sont non pas les auteurs mais les victimes de cette rupture. Dans les cas de violence visés par cet article, il n’y a de lien ni avec la traite des êtres humains ni avec la rupture, imposée à la victime, de ses liens privés et familiaux en France.
Ainsi, alors que cette proposition de loi vise à renforcer l’autonomie des femmes étrangères, par sa rédaction, elle pourrait aboutir à délivrer une carte de séjour temporaire à l’auteur de telle violence, lorsque la victime se serait défendue en infligeant elle-même à son agresseur des violences entrant dans le champ d’application des articles 222-9 et 222-11 du code pénal.
Le champ d’application de cet article est donc manifestement trop large pour constituer un motif d’admission au séjour. Les notions de victimes d’infractions et de procédures civiles ou pénales en cours restent imprécises…