Intervention de Stéphane le Foll

Séance en hémicycle du 26 mai 2016 à 15h00
Garantie du revenu des agriculteurs — Présentation

Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement :

Telle est la complexité du sujet que nous avons à traiter dans ce débat, et il faut bien en avoir conscience.

Par ailleurs, nous sommes sur un marché européen, sur un marché mondial. Le prix du lait aujourd’hui est un prix mondial. La Nouvelle-Zélande est un acteur important de ce marché, au même titre que l’Europe, qui a d’ailleurs sa part de responsabilité dans l’affaire. La situation actuelle en Europe, et vous avez raison sur ce point, monsieur le rapporteur, est le résultat de la décision prise en 2008 de supprimer les quotas. Les acteurs économiques ayant pour objectif d’aller conquérir le marché chinois, la production de lait s’est alors emballée sans maîtrise, sans coordination, sans coopération à l’échelle européenne, dépassant même les plafonds prévus pour la production laitière. C’est ce qui explique pourquoi cette année l’Europe aura stocké en six mois près de 218 000 tonnes de poudre de lait.

À ce stade, on ne peut plus parler des lois du marché. Quand le niveau de production est tel que la seule solution est l’intervention, c’est qu’il y a un problème de surproduction. Il faut alors réintroduire de la régulation, et poser la question de la maîtrise de la production, car il est faux d’affirmer que le marché régule ; il ne régule rien, en l’occurrence. Les acteurs économiques et les décideurs publics et politiques qui ne jurent que par le marché alors qu’il y a mise à l’intervention de milliers de tonnes de denrées nous racontent des histoires, et je le leur ai dit très clairement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la France a convaincu la Commission européenne de revenir à une régulation volontaire temporaire en activant l’article 222 du règlement portant organisation commune des marchés de produits agricoles. Un débat a eu lieu sur ce sujet hier au Parlement européen ; nous y reviendrons, j’y reviendrai, car je tiens à ce que cette mesure soit effectivement appliquée. Comme je vous l’ai dit, les stocks de poudre de lait, qui avaient déjà doublé, ont dépassé les plafonds prévus.

Sur ce point, nous sommes donc sur la même ligne, vous et moi, monsieur le rapporteur, bien que de manière différente. Pour ma part, je prends en effet en compte la dimension européenne : j’essaie – et c’est vrai que ce n’est pas toujours facile – de dégager des compromis, de faire des synthèses, de trouver la meilleure coordination possible, de coopérer avec nos partenaires, car il n’y a aujourd’hui aucune coordination, et c’est bien le problème politique qui nous est posé à l’échelle européenne.

Il faut donc non seulement réguler, maîtriser la production, mais aussi faire en sorte que l’on s’organise : c’est le débat sur la contractualisation. J’étais ce matin à l’assemblée générale de la coopérative agricole des Fermiers de Loué, qui produisent des poulets de Loué – production label rouge organisée depuis 50 ans, structurée. La force de la chaîne vient du fait que, à chaque moment où la production s’est accrue, les cahiers des charges sont demeurés inchangés et ont continué d’être respectés, la qualité a été maintenue. C’est pourquoi cette production trouve aujourd’hui encore des débouchés et qu’elle est valorisée à un prix plus élevé que le prix moyen du marché. Ce succès est lié à la contractualisation, à l’organisation. Il faut donc promouvoir ces stratégies. C’est tout l’enjeu de la contractualisation et de ce que nous avons proposé dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Sur la question de l’étiquetage, vous m’avez reproché d’avoir hésité. J’ai dit que nous n’avions pas trouvé d’accord à l’échelle européenne, et je vais m’en expliquer. Après la crise de la viande de cheval retrouvée dans les lasagnes en lieu et place de la viande de boeuf, qui a mis en évidence un manquement et un mensonge de l’industrie agroalimentaire vis-à-vis du consommateur, j’avais lancé l’idée de revoir la directive européenne sur l’étiquetage. Cependant, pour mes homologues allemands, autrichiens, polonais, l’étiquetage devait mentionner non pas le lieu de naissance de l’animal, mais le lieu d’abattage. C’est ce sur quoi j’ai buté, c’est ce qui m’a fait reculer. Les Allemands abattent en effet beaucoup d’animaux provenant de pays limitrophes. À leurs yeux, l’origine du produit renvoie donc non pas au lieu de naissance et d’élevage de l’animal, mais au lieu d’abattage.

En l’espèce, le désaccord était total ! Cela peut faire sourire, mais tel était bien le sujet ! Si j’avais cédé, nous aurions pu trouver une modification de la directive relative à l’étiquetage des denrées alimentaires en définissant l’origine selon le lieu d’abattage, mais vous m’auriez dit, à juste titre, que je m’étais trompé et que je m’étais fait avoir ! C’est pourquoi j’ai suspendu les négociations à l’époque, refusant d’aller plus loin car j’avais compris qu’elles ne prenaient pas en compte notre conception de l’origine de la viande. C’est aussi pourquoi nous avons mis en place dès mon retour, avec la collaboration de Dominique Langlois, président d’Interbev, le logo « Viande de France » qui, lui, structure les produits en liant leur origine au fait que les animaux sont nés, élevés, abattus et transformés en France, ce qui en est selon nous la définition correcte, vous en êtes d’accord, monsieur le rapporteur !

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