Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine visant à garantir le revenu des agriculteurs.
Cet objectif est naturellement partagé par tous, quelle que soit notre couleur politique : il est évident que les agriculteurs doivent pouvoir vivre de leur activité. Il est aberrant que ces hommes et ces femmes se lèvent le matin pour perdre de l’argent. C’est pourtant malheureusement ce qui se passe aujourd’hui !
Monsieur le rapporteur Chassaigne, vous proposez trois mesures pour parvenir à cet objectif. Première mesure : la mise en place obligatoire d’une négociation annuelle sur les prix par produit afin de fixer un prix plancher d’achat aux producteurs déterminé par les interprofessions compétentes. Deuxième mesure : l’application automatique d’un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente en période de crises conjoncturelles et ce pour l’ensemble des produits agricoles et alimentaires. Troisième mesure : l’interdiction de l’achat d’un produit agricole en deçà de son prix de revient effectif.
Sur le premier point, monsieur le rapporteur, je constate avec plaisir que vous rejoignez la position des sénateurs Les Républicains puisque la mise en place d’une négociation annuelle sur les prix faisait l’objet de l’article 2 de la proposition de loi déposée au Sénat en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire. Mais la commission des affaires économiques du Sénat ayant relevé un risque d’entente généralisée sur les prix, cet article a été réécrit. Il prévoit désormais l’organisation annuelle d’une conférence des filières sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles.
Cette conférence serait une instance de discussion avec tous les acteurs d’une même production agricole, qu’ils soient membres d’une interprofession ou non. Les discussions porteraient sur la situation et les perspectives d’évolution des marchés agricoles et agroalimentaires concernés, mais non sur les prix.
Cette mesure a été reprise en amendement au projet de loi Sapin 2. Elle a fait l’objet de longs débats la semaine dernière en commission des affaires économiques mais a malheureusement été rejetée par la majorité.
Monsieur le rapporteur, vous présentez aujourd’hui le même amendement visant à réécrire l’article 1er et remplacer la conférence annuelle sur les prix par une conférence annuelle des filières. Notre groupe soutiendra cet amendement, bien que nous ne soyons pas d’accord avec votre proposition de loi.
Nous voyons en effet dans les trois articles originels de votre proposition de loi la mise en place d’une économie administrée contraire à notre vision de l’économie ; elle risque en outre d’assister les agriculteurs plutôt que de leur donner de vrais moyens leur permettant de s’en sortir durablement. Vos idées peuvent être alléchantes sur le court terme mais, sur le long terme, elles déstabiliseraient le secteur agricole et agroalimentaire.
Je souhaite néanmoins profiter de cette tribune pour insister sur la détresse des agriculteurs. Ils traversent, nous le savons tous, une crise sans précédent, une crise aux causes multiples, une crise aux conséquences dramatiques.
Monsieur le rapporteur, dans votre rapport, vous mettez en évidence plusieurs chiffres, notamment ceux de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Ces chiffres sont édifiants : l’année 2015 a vu se poursuivre la baisse globale des prix agricoles observée déjà en 2014 pour plusieurs productions et qui s’est étendue en 2015 à la production laitière.
La baisse moyenne des prix, tous produits confondus, s’établit à moins 2,4 %. Elle concerne toutes les filières : lait, bovins, porcs. Dans la filière laitière, le prix des 1 000 litres de lait payé aux producteurs est passé sous la barre symbolique des 300 euros en novembre 2015, soit une baisse de près de 40 euros en un an.
Les agriculteurs sont donc confrontés à une baisse sans précédent de leurs revenus : pratiquement moins 60 % pour les éleveurs porcins entre 2013 et 2014, pour un salaire de 11 000 euros par an en moyenne, alors qu’un agriculteur n’a pas des horaires de bureau, ne compte pas ses heures et ne fait pas la différence entre la semaine et le week-end.
Certaines exploitations agricoles n’ont, hélas, pas d’autre choix que de cesser d’exister ; 10 % des élevages porcins seraient au bord de la cessation d’activité. Sur les dix dernières années, notre pays a déjà perdu 25 % de ses exploitations. Quand cette baisse va-t-elle enfin cesser ?
Les causes de cette crise sont multiples, je l’ai dit : des prix payés aux producteurs en baisse, des négociations commerciales tendues et déséquilibrées, toujours à l’avantage de la grande distribution, et les conséquences de l’embargo russe.
Sur ces deux derniers points, permettez-moi de saluer deux textes adoptés par notre assemblée le 28 avril dernier, à l’initiative de députés Les Républicains : tout d’abord, la proposition de loi de Bernard Accoyer sur la définition de l’abus de dépendance économique, puis la proposition de résolution de Thierry Mariani relative à la levée de l’embargo russe – vous ne pouvez pas dire, monsieur le ministre, que l’opposition ne travaille pas et ne propose rien !