Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 26 mai 2016 à 15h00
Garantie du revenu des agriculteurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Madame la présidente, monsieur le ministre, la France est un grand pays agricole et un grand pays agroalimentaire, sans doute le premier d’Europe, peut-être encore le premier d’Europe.

Il est donc bien normal que nous nous préoccupions du revenu des agriculteurs. Faut-il pour autant garantir leur revenu, au risque de faire de l’agriculture une profession totalement assistée, dirigée par des fonctionnaires ? Il n’est pas certain que les agriculteurs souhaitent devenir des salariés de l’État, ni ceux d’autres collectivités ou organismes d’État.

Un constat s’impose. L’Europe a déversé, au travers de la PAC, des milliards d’euros au profit de l’agriculture, tout comme la France qui intervient à chaque grande crise agricole. Pour quel résultat ? Je suis élu d’une circonscription du Calvados, le sud-Bocage, profondément agricole. Vous n’y trouverez pas une seule ville, mais seulement des bourgs. Dans chacun de ces bourgs vivaient, il y a une cinquantaine d’années, cinquante agriculteurs. Il n’y en a plus aujourd’hui que deux ou trois. Vivent-ils mieux ? Il faut en discuter avec eux, mais ils estiment que non.

Faut-il garantir leurs revenus ? Pourquoi pas ? Je suis prêt à réfléchir à toutes les propositions, mais à quel niveau ? Monsieur le ministre, en 1997, lors de mon premier mandat, nous avions mené une réflexion utile autour du contrat territorial d’exploitation – CTE. Celui-ci rémunérait la fonction de l’agriculteur en tant que producteur mais aussi en tant que protecteur de la nature. Ce fut, hélas, la première mesure que Jacques Chirac supprima, lorsqu’il revint au pouvoir en 2002.

Un accord était ainsi conclu avec l’agriculteur, assorti de garanties pour qu’il assure cette double fonction. On ne souligne jamais assez que l’agriculteur remplit une fonction de service public. Tout d’abord, ce qu’il produit est essentiel. Sans agriculture, la société et la civilisation disparaissent, il n’existe plus rien. Par ailleurs, il assure un certain nombre d’autres fonctions, mais de diverses manières. Qu’y a-t-il de commun, en effet, entre l’éleveur de bovins, d’ovins, de porcins, qui vend de la viande ou du lait, l’agriculteur qui cultive des légumes, et le viticulteur ? Nous n’avons pas une agriculture, c’est bien là le problème, mais des séries d’agricultures, différentes selon les territoires et les produits.

Que pouvons-nous demander ? Un revenu minimum doit d’abord être assuré par le monde agricole, avec la participation évidente de ses premiers bénéficiaires. Il n’y a rien de commun entre un agriculteur de la plaine de Caen qui cultive 1 000 hectares et celui qui élève trente vaches et produit 200 000 litres de lait !

Quant à la mission de service public de protection de la nature et de production vitale des produits alimentaires, elle impose, M. Chassaigne a raison, d’assurer un revenu minimum. Qui doit y participer ? Bien évidemment, tous ceux qui bénéficient du monde agricole, à savoir la grande distribution, mais aussi, nous l’oublions trop souvent, les consommateurs qui profitent de produits de qualité et à bas prix. Si l’on n’intègre pas le consommateur dans notre réflexion, nous n’aboutirons pas.

L’action de l’État, en l’espèce, est diverse et multiple. Il est extrêmement complexe et technique de fixer un prix. Il dépend des normes, des débouchés, de la qualité, des quotas, de la surconsommation, du coût du machinisme agricole, de la concurrence, des aides multiples, de l’urbanisation.

Monsieur Chassaigne, mon groupe a étudié avec attention vos trois propositions et il est prêt à vous suivre. L’agriculture, ce sont d’abord des hommes, souvent désespérés, qui perdent foi dans leur métier. Ils travaillent dur, et souvent plus que d’autres. Ne serait-ce que pour cette simple raison, ils ont droit à une garantie de leurs revenus, pour leur permettre de vivre dans la dignité que le monde capitalistique leur a si souvent refusée.

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