Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 26 mai 2016 à 15h00
Garantie du revenu des agriculteurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Je ne souhaite pas rallonger le débat mais reprendre simplement quelques points. Merci tout d’abord aux représentants des différents groupes qui sont intervenus et ont exprimé le souci, que nous partageons tous, de résoudre le plus rapidement possible la terrible question de l’avenir de notre agriculture. Je ne reviendrai pas sur les drames que vivent nos agriculteurs : il nous faut à présent trouver des solutions en urgence, dans des délais extrêmement courts. D’où la difficulté de la tâche.

Aussi la démarche pertinente est-elle celle de la réflexion partagée, comme tous les intervenants l’ont souligné. Dans nos circonscriptions respectives sur tout le territoire de notre pays, nous devons échanger avec les agriculteurs et prendre en compte concrètement la nature de leurs difficultés, de manière à construire ensemble des propositions pour y répondre.

Chacun ici connaît la lourdeur de la tâche. Les réticences exprimées en commission au sujet de ce texte, je l’avoue très franchement, rejoignent celles que des paysans ont formulées lorsque j’ai travaillé en contact direct avec eux, d’abord pour préparer la proposition de loi, ensuite pour la confronter à leur réalité.

Cela dit, le débat avance. On l’a vu aujourd’hui dans les propos du ministre et plus encore dans son intervention d’avant-hier, on l’a vu aussi dans les échanges au sein de la commission des affaires économiques : la question fondamentale est bien celle du prix. On pourra trouver tous les habillages, tous les prétextes que l’on veut, c’est bien le prix qui est déterminant.

Or c’est justement au nom de cette conception de la construction partagée que j’ai présenté des amendements tenant compte du débat en commission. Sans doute n’avez-vous pas eu le temps de les lire avant d’intervenir dans la discussion générale, mes chers collègues, mais ils prennent effectivement en compte les réticences exprimées aussi bien dans les échanges citoyens sur le terrain que dans l’échange en commission.

C’est ainsi que l’article 1er, s’il était adopté avec l’amendement que je propose, répondrait aux interrogations que vous avez formulées. Le blocage européen, c’est vrai, fait qu’on ne peut établir un prix plancher obligatoire pour chacun. Il faut donc qu’une négociation de filière permette au moins de réaliser une évaluation, y compris par région, de ce que devra être ce prix pour qu’un agriculteur puisse vivre de son travail. Mon amendement le prévoit, rejoignant pour l’essentiel ce qui s’est dégagé en commission lors de l’examen du projet de loi Sapin 2.

J’espère que nous arriverons les uns et les autres à faire avancer cette idée de négociation par filière lors de l’examen en séance publique. C’est indispensable pour s’engager dans la voie que vous avez amorcée avant-hier, monsieur le ministre – peut-être pour la première fois aussi nettement –, voie qui consiste à acter la condition du prix dans les négociations commerciales. Pour acter cette condition, en effet, il faut forcément tenir des conférences permettant, non pas de définir un prix plancher précis, mais au moins d’établir, par grandes régions, comment affiner la détermination d’un prix qui devra ensuite, si je vous suis bien, monsieur le ministre, être inscrit dans le cadre des contractualisations avec, je n’y reviendrai pas, l’intervention beaucoup plus forte des interprofessions, etc.

Bref, la contradiction que vous avez soulignée à juste titre entre l’article 1er et l’article 3 saute dès lors que l’on adopte mon amendement à l’article 1er. Cette réécriture permet en effet d’alimenter l’article 3 et l’interdiction de la vente à perte à laquelle il soumet les négociations commerciales. Nous nous retrouvons complètement sur ces points et, en définitive, ce n’est plus moi qui suis en contradiction, c’est vous. Car si vous affirmez qu’il faut aller vers une définition du prix dans les négociations commerciales, vous ne pouvez plus vous opposer à la tenue de conférences pour apporter des indications sur l’évaluation des prix. Votre proposition ne pourrait plus tenir : ce serait, pour reprendre mon expression préférée, « un couteau sans manche qui aurait perdu sa lame ».

Sans revenir sur tout ce qui a été dit, je veux encore une fois remercier tous les intervenants. Gardons bien à l’esprit l’urgence terrible de la question. Je conviens volontiers que ma proposition ne pourra résoudre les problèmes du jour au lendemain, mais permettez-moi d’y insister une dernière fois, monsieur le ministre : cette question de l’eurocompatibilité qui nous bloque dans toutes nos initiatives, il faut la prendre à bras-le-corps. J’ai dit en commission ce que j’en pense : la problématique que connaissent les travailleurs de la terre chez nous se retrouve dans d’autres pays de l’Union. J’ai la certitude que nous réussirons à construire un front des petits exploitants agricoles européens, car le libéralisme effréné, ce serait la mort des paysans et la mort de nos territoires ruraux.

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