Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, c'est un grand honneur pour moi d'être devant vous pour cette audition qui s'inscrit dans le processus officiel de nomination du président délégué du directoire de la SNCF, qui emporte automatiquement la présidence et direction générale de SNCF Réseau. L'onction du Parlement me conférera une légitimité très précieuse dans le management de l'entreprise. La SNCF est d'abord un service public et SNCF Réseau est gestionnaire d'un patrimoine national, comme l'a souligné M. Jacques Rapoport.
Cette audition sera pour moi l'occasion de vous présenter mon parcours afin que vous puissiez donner un avis éclairé sur ma nomination.
Elle me permettra de vous dire dans quel état d'esprit j'aborde la mission qui pourrait m'être confiée si vous validez ma candidature et quels sont pour moi les grandes priorités et les grands enjeux qui me paraissent attendre le futur président délégué du directoire de la SNCF et le président-directeur-général de SNCF Réseau.
Enfin, elle me fournira la possibilité de recueillir vos commentaires et analyses sur le transport ferroviaire, et la SNCF en particulier.
Pendant les treize premières années de ma carrière, j'ai dirigé de grands projets d'infrastructure, successivement chez Bouygues puis chez Vinci, deux des plus grands groupes mondiaux du bâtiment et des travaux publics, deux grands succès français à l'international. Or SNCF Réseau, avec ses 30 000 kilomètres de voies, ses 600 000 poteaux caténaires, ses nombreux ouvrages d'art et ses tunnels, est d'abord un grand groupe d'infrastructures.
J'ai passé les dix-huit années suivantes dans les services publics : tout d'abord dans le secteur de l'eau et de l'assainissement, puis dans les transports publics terrestres et enfin dans les services aéroportuaires, depuis deux ans et demi, chez Aéroports de Paris (ADP). Or le groupe SNCF est d'abord un grand service public.
En tant que directeur général de Keolis pour la France pendant trois ans, j'ai acquis une bonne connaissance de la délégation de service public à la française, modèle de partenariat entre les collectivités locales et les entreprises, sujet extrêmement important pour SNCF Réseau dans ses relations avec les régions. Par ailleurs, je connais bien le système ferroviaire : en tant que directeur général de Keolis en charge de l'international pendant six ans, j'ai eu l'occasion de développer et de superviser de nombreuses concessions ferroviaires, en particulier au Royaume-Uni et en Allemagne, qui ont des modèles un peu différents du nôtre.
SNCF Réseau est aussi un groupe d'ingénierie et j'ai eu l'occasion chez Aéroports de Paris de diriger et de réformer l'ingénierie. La volonté qui m'a guidé a été de projeter vers le futur l'ensemble des ingénieurs, des techniciens, des agents, lesquels ont parfois tendance à penser que l'âge d'or a eu lieu vingt ans auparavant.
Enfin, mes fonctions chez ADP m'ont conduit à entretenir quotidiennement des relations avec l'État, notamment à travers le contrat de régulation économique qui pourrait s'apparenter au contrat de performance que SNCF Réseau et l'État devraient signer. J'ai aussi pu mettre en place des standards 3 pour améliorer la sûreté dans les aéroports face à la menace terroriste. En outre, j'ai développé le projet CDG Express, dont je préside la société d'études.
Face aux défis auxquels SNCF Réseau fait face, ce qui me paraît le plus important, c'est la capacité à mener un groupe industriel. SNCF Réseau, ce sont 52 000 personnes qu'il faut convaincre, projeter vers l'avenir, 52 000 personnes desquelles dépend le succès de la rénovation et de la modernisation du réseau. J'ai su faire cela, sous la présidence de M. Michel Bleitrach, chez Keolis, fusion de deux groupes de transports publics, Cariane et VIA-GTI, structure qui se rapproche de SNCF Réseau qui procède de la réunion au sein d'une même entité de Réseau ferré de France (RFF), de SNCF Infra et de la direction de la circulation ferroviaire (DCF).
Avant d'aborder les grands enjeux auxquels sont confrontées la SNCF et SNCF Réseau, je voudrais dire quelques mots de la réforme ferroviaire du 4 août 2014. Je veux saluer ici l'implication de MM. Guillaume Pepy et Jacques Rapoport dans sa mise en oeuvre, guidée par un triple objectif, tendre vers le plus simple, le plus efficace et le plus économe, triple objectif que je reprendrai bien évidemment à mon compte si vous confirmez ma nomination. Je saluerai aussi le travail qu'a entrepris M. Jacques Rapoport pour réunifier au sein de SNCF Réseau, RFF, SNCF Infra et la direction de la circulation ferroviaire, préalable indispensable pour retrouver une efficacité opérationnelle et par là, améliorer la qualité de service due aux clients. Un premier bilan de la mise en oeuvre de la réforme sera prochainement établi par MM. Gilles Savary et Bertrand Pancher. Il nous éclairera utilement sur ce qui doit être amélioré.
Venons-en aux enjeux. La priorité absolue est bien évidemment la sécurité ferroviaire : c'est l'exigence première et la valeur cardinale de la SNCF, elle passe avant toute autre considération et nécessite un travail acharné et sans fin. Les drames de Brétigny et d'Eckwersheim montrent que tous les efforts doivent converger pour que le réseau ferroviaire français soit parmi les plus sûrs du monde. Cette sécurité du transport ferroviaire, nous la devons à nos clients qui ont placé en nous leur confiance quand ils montent dans nos trains, nous la devons aussi à nos employés, qui chaque jour travaillent à l'amélioration du service.
Concernant plus spécifiquement la fonction de président de SNCF Réseau, je voudrais profiter de ma présence devant vous pour vous faire part des grands axes prioritaires de mon mandat, si vous me permettez de l'exercer.
SNCF Réseau est une entreprise industrielle qui produit des sillons et assure des circulations pour que les entreprises ferroviaires clientes délivrent un service de qualité aux passagers. Pour atteindre un haut niveau de qualité, la priorité va d'abord aller à la maintenance et à la régénération du réseau. Comme vous le savez, l'état du réseau ferroviaire est préoccupant et ne garantit pas une qualité de service à la hauteur des exigences des autorités organisatrices et des passagers. De nombreux retards liés aux pannes de caténaires ou de signalisation suscitent un mécontentement légitime parmi les voyageurs. En tant qu'élus de la nation, j'imagine que vous avez souvent à entendre des récriminations sur les faiblesses et les failles du service ferroviaire. Soyez persuadés que j'y serai particulièrement attentif parce que la satisfaction des clients fait partie de ma culture professionnelle, nourrie par trente ans de carrière. Une chose est certaine : un réseau vieillissant ou en mauvais état ne permet pas d'assurer un service de qualité.
Citons quelques chiffres. L'âge moyen de la voie est de l'ordre de trente-deux ans en France contre seulement vingt ans en Allemagne. Sur 600 000 poteaux caténaires, 60 000 sont en mauvais état, 6 000 en très mauvais état. Les caténaires du RER C en Île-de-France ont quatre-vingt-dix ans, celles du RER D soixante-dix ans. Un tiers des tunnels se trouve dans un état médiocre, voire dégradé, sur le réseau ferré national.
Un réseau en bon état est le préalable à toute amélioration du service rendu et au développement du ferroviaire pour les voyageurs et le fret. Ce n'est pas qu'une question financière, c'est aussi un problème opérationnel et un problème de personnel. L'axe stratégique du projet d'entreprise « Réseau 2020 » est de moderniser l'outil industriel de SNCF Réseau. Nous ne devons plus faire des travaux au XXIe siècle comme on les faisait au XXe ou au XIXe siècles.
Cette transformation de la politique industrielle de SNCF Réseau repose sur deux piliers.
Le premier pilier consiste à améliorer voire à redéfinir nos process et à les automatiser. Cela n'est possible qu'en mettant en place des systèmes informatiques modernes et robustes et en profitant du formidable essor du numérique et des automatismes. Cela permettra de rendre les infrastructures plus productives mais aussi de mieux faire les travaux, notamment dans l'objectif d'en limiter l'impact sur le trafic.
Le second pilier est le recours accru aux partenariats industriels, pour aider en particulier à faire face à l'augmentation de la charge de travail liée à l'impérative modernisation du réseau. Cela amène deux défis : premièrement, organiser l'entreprise pour piloter ces partenariats – opération que j'avais lancée chez Aéroports de Paris, qui faisait face au même défi d'une augmentation importante des investissements –, ce qui nécessite d'adapter la gestion des emplois, des carrières et des compétences ; deuxièmement, créer une véritable filière industrielle privée pour externaliser une partie de ces travaux ferroviaires, oeuvre de longue haleine car les partenaires privés ont besoin de visibilité à long terme pour procéder aux investissements humains et matériels qui s'imposent. C'est en particulier pour cela, et parce que SNCF Réseau est une entreprise industrielle, que la signature d'un contrat de performance avec l'État est absolument indispensable. Il est prévu par la loi et les discussions sont en cours avec l'État pour sa conclusion. Il est nécessaire que l'ensemble des personnels de se projeter dans l'avenir et de s'engager dans la réalisation du plan stratégique. De cet engagement dépendra le succès ou non de nos plans d'amélioration.
J'en viens aux enjeux financiers, qui sont au coeur des discussions autour du contrat de performance. La loi a prévu la présentation d'un rapport sur la dette de SNCF Réseau et le prochain décret sur la « règle d'or », que vous avez fixée, aidera à atteindre l'objectif de juguler progressivement l'endettement.
Pour SNCF Réseau, le levier principal pour minimiser la dette est sa productivité, sa capacité à s'améliorer. Si vous agréez ma candidature, je ferai mien l'engagement de M. Jacques Rapoport de dégager 500 millions d'euros d'économies en cinq ans, à l'horizon de 2020, grâce notamment à la performance des achats et à l'efficacité de cette nouvelle logique industrielle que je viens de vous décrire rapidement. Ma longue expérience de définition et de réalisation de plans d'amélioration, acquise tant chez Keolis que chez Aéroports de Paris, m'aidera à mener à bien cette politique.
Par ailleurs, pour mobiliser les équipes de SNCF Réseau, rien de tel qu'un transport ferroviaire en plein développement. C'est le cas aujourd'hui : quatre nouvelles lignes à grande vitesse, des contrats de plan en cours de négociation ou de finalisation. En tant qu'élus, vous êtes au coeur du système ferroviaire et je m'attacherai personnellement à nouer entre SNCF Réseau et les élus une relation de confiance, reposant sur une écoute attentive et une prise en compte de vos préoccupations. Mon expérience chez Keolis m'a notamment appris que cultiver ce lien est essentiel pour un fonctionnement harmonieux et performant des politiques de transport.
Concernant la tarification des péages, qui procure une partie substantielle des recettes de SNCF Réseau, j'ai conscience que le président de ce groupe occupe une place particulière et autonome dans le groupe SNCF, sous le contrôle de l'ARAFER. Ce dont je suis persuadé, c'est qu'il est absolument nécessaire de trouver des financements pour la remise en état et la modernisation du réseau ferroviaire. Je m'engage à ce que SNCF Réseau donne tout l'éclairage nécessaire à l'ARAFER, aux autorités organisatrices et à l'État pour que les autorités compétentes puissent trouver le juste point d'équilibre entre les péages et les subventions.
Pour finir, je souhaite aborder le thème de l'égalité d'accès des entreprises ferroviaires à l'infrastructure, condition impérative pour qu'une concurrence puisse s'exercer. Cette concurrence existe déjà pour le fret et pour le transport international de passagers et elle se précise pour l'ensemble du transport de passagers avec l'arrivée probable du quatrième paquet ferroviaire. Vous pouvez compter sur moi pour veiller à ce que SNCF Réseau traite de façon égale toutes les entreprises ferroviaires. Je peux me porter d'autant plus garant de cette indépendance dans l'attribution des sillons que l'ARAFER a donné un avis favorable à ma candidature et que vous avez voté une loi qui m'apporte toutes les garanties pour exercer cette fonction essentielle en toute indépendance.
En conclusion, permettez-moi de dire mon espoir que les grandes orientations du groupe SNCF que je viens d'évoquer, notamment celles de SNCF Réseau, seront de nature à améliorer la performance du service rendu. La SNCF participe au rayonnement de la France, SNCF Réseau est dépositaire d'un bien national précieux, l'infrastructure ferroviaire, élément du service public ferroviaire. Je suis certain que nous partageons tous une grande ambition pour le transport ferroviaire, pour ce magnifique service public auquel tous nos concitoyens sont profondément attachés et qui fait l'admiration de nombreux visiteurs étrangers.
Je me suis présenté devant vous aujourd'hui avec la volonté de servir cette ambition en tant que président délégué du directoire de la SNCF et président-directeur-général de SNCF Réseau.
Mesdames, messieurs les députés, je m'en remets à votre appréciation, vous remercie de votre attention et me tiens prêt à répondre à vos questions.