Monsieur Patrick Jeantet, le Gouvernement a mis du temps avant de désigner un candidat à la succession de M. Jacques Rapoport. La mission qui vous sera confiée sera très compliquée. Vous devrez arbitrer entre le nécessaire besoin de sécurité et la création de nouvelles lignes.
SNCF Réseau, gestionnaire des infrastructures ferroviaires, est responsable de l'entretien et du bon fonctionnement de 30 000 kilomètres de lignes. L'accident de Brétigny a suscité une prise de conscience de la nécessité d'approfondir l'effort de régénération du réseau, qui est mené depuis plusieurs années mais qui s'est avéré insuffisant. En Île-de-France, le réseau va continuer de se dégrader, selon un rapport de la Cour des comptes qui qualifiait son état d'inquiétant du fait des risques qu'il comporte pour la sécurité. Vous héritez donc d'un réseau fragilisé dont vous devrez assumer la responsabilité.
Au mois de novembre dernier, M. Jacques Rapoport avait annoncé une série de décisions destinées à « remettre de la rigueur à tous les étages », tâche d'autant plus difficile que SNCF Réseau est le terminal du déficit structurel du système ferroviaire français. Son endettement, en hausse de 3 milliards d'euros l'an dernier, atteint désormais 42,3 milliards. Pour compliquer les choses, l'ARAFER vous demande de revoir de fond en comble, d'ici à 2018, les tarifs des péages ferroviaires. Ce sera une opération sans nul doute difficile, qui risquera d'entraîner une diminution de vos ressources puisque l'ARAFER a jugé « arbitraire et non conforme aux principes tarifaires prévus par la réglementation » votre projet de barème prévoyant un gel des redevances. De plus, vous ne pouvez rien attendre de l'État qui ne verse pas l'intégralité des subventions pourtant votées par notre assemblée, notamment celles qui concernent le fret.
En ma qualité d'administrateur du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), je ne peux m'empêcher de vous parler des lignes A et B du RER, les plus fréquentées du réseau avec chacune plus d'un million de passagers chaque jour. En matière de ponctualité, aucune de ces deux lignes n'atteint l'objectif contractuel de 94 % de trains arrivant avec moins de cinq minutes de retard : le taux est de 81 % pour le RER A et de 85,6 % pour le RER B. Dans la pratique, il ne se passe guère de semaines sans que les usagers n'aient à subir un retard ou une suppression de train, situation que l'on retrouve sur les lignes de trains de banlieue. Tous ces désagréments ont des conséquences financières pour votre établissement puisqu'entre 2010 et 2014, les malus versés au STIF par la SNCF en raison du non-respect des objectifs contractuels ont été multipliés par trois, passant de 6,3 millions d'euros à 19,5 millions d'euros. Même si des efforts ont été consentis depuis 2011, le retard pris est tel qu'il faudra probablement plus de dix ans pour que les voyageurs constatent une amélioration.
Devant cette situation qui n'a rien d'idyllique, comment envisagez-vous votre mission ? Quelles seront vos priorités ? Dans quel sens iront vos arbitrages ? Quelles seront vos propositions de tarification pour les péages ? Soutiendrez-vous le projet du CDG Express ? Enfin, aurez-vous les moyens de dire non à une commande qui vous paraîtrait non rentable pour l'avenir de la SNCF ?
Je vous remercie pour vos réponses et vous assure du soutien du groupe Les Républicains qui votera en faveur de votre nomination.