Intervention de Jean Jacques Vlody

Réunion du 10 mai 2016 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Jacques Vlody :

Mille bateaux passent ainsi chaque jour. Le sous-préfet m'a indiqué que, son administration de tutelle lui demandant de « faire du chiffre », il faisait procéder chaque jour à une dizaine de raccompagnements à la frontière, et que les intéressés revenaient le lendemain. On constate à quel point notre conception de ce territoire est inadaptée.

Le sous-préfet m'a ensuite fait visiter un village peuplé par des Amérindiens, qui, curieusement, ne sont français que depuis 1967, alors qu'ils existent depuis 3 000 ans et n'ont rien demandé. Le ministère de la culture met en place des programmes d'art et d'histoire afin de mettre en valeur la richesse patrimoniale des peuples amérindiens. Or les familles sont réparties sur les deux rives opposées du fleuve, et le maire de la commune d'Awala Yalimapo, représentant l'autorité française, m'a expliqué qu'il souhaitait organiser un partenariat avec la partie de sa famille située sur l'autre rive du fleuve afin de célébrer l'intronisation du nouveau chef. Il m'a indiqué que, à cette fin, il devait se procurer un visa à Saint-Laurent-du-Maroni, situé à 100 kilomètres de son village, qu'il lui fallait une autorisation administrative, des pirogues homologuées aux normes françaises ainsi qu'un permis de naviguer, et que le fleuve devait être navigable. Le sous-préfet m'a confirmé ces faits. Or il se trouve que les intéressés ne sont pas titulaires du permis, que les pirogues ne sont pas homologuées et que le fleuve n'est pas navigable. Il est heureux que nous puissions faire confiance à l'intelligence des hommes, car il serait ridicule de vouloir empêcher ces gens, qui sont des ressortissants français, de perpétuer leurs traditions. Une fois encore, la vision de la Métropole est sans commune mesure avec cette réalité observée sur le terrain.

Les accords de sécurité conclus entre les États posent, eux aussi, de sérieux problèmes dans le domaine de la circulation des personnes, singulièrement à Mayotte où je dois me rendre prochainement. Pour que les territoires s'ouvrent les uns aux autres et communiquent, il faut d'abord que les hommes et les femmes qui y vivent puissent se rencontrer ; or il est plus facile pour un Brésilien, un Malgache ou un Mauricien de se rendre à Paris que, pour un Brésilien, de gagner Cayenne ou, pour un Malgache, de gagner La Réunion. De fait, aucun visa n'est exigé pour se rendre à Paris, alors que ce document est exigé pour aller à La Réunion.

Les craintes de notre administration au regard de la sécurité sanitaire conduisent à des incohérences ; le risque existe, en effet, mais il est largement surévalué.

Quelques préconisations du rapport, dont je pense achever la rédaction à la fin du mois de juin prochain, prennent déjà forme, et il reste quelques auditions et déplacements à effectuer ; je tenais beaucoup à échanger avec les membres de la délégation afin de m'enrichir de leurs interrogations comme de leurs propositions.

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