Un plan de connectivité de l'océan Indien a été lancé à partir de projets de réseaux de câbles circulant dans la zone : j'ai constaté que, en définitive, la connexion s'établissait de façon extrêmement désordonnée et n'était toujours pas achevée. De fait, les schémas que les opérateurs percevaient comme les plus pertinents sur le plan économique n'ont pas été retenus. Des raccordements partiels ont été effectués avec les câbles LION 1 et 2 – acronyme de Lower Indian Ocean –, il m'est même revenu que les Comores ont été câblées par un opérateur chinois. À l'époque, c'était l'opérateur national France Télécom qui était censé servir les intérêts de la France dans la zone et être membre des consortiums qui se sont constitués ; or cela n'a pas été possible. M. Daniel Golberg, président du groupe d'amitié France-Comores, s'est rendu à Mayotte il y a quelques années : il avait été scandalisé par l'échec de ce qui aurait dû constituer une avancée économique significative.
Autre exemple concret, car le monde économique veut des choses concrètes : le projet des îles Vanille, destiné à développer le tourisme. Dans un passé récent, j'ai été directeur de la chambre de commerce de Mayotte ; à ce titre je connaissais bien ce projet : le plus gros obstacle qu'il a rencontré a été celui des visas de circulation des touristes, ainsi que la desserte aérienne. On peut concevoir que les liaisons aériennes soient coûteuses ; mais les Mauriciens et les Chinois ne sont pas limités par la question des visas, ce qui est loin d'être le cas à La Réunion, par exemple, pour laquelle il a fallu délivrer une dérogation afin de pouvoir accueillir des touristes, avec une procédure simplifiée de délivrance de visas.
Dans le domaine de la connectivité maritime, aucun progrès n'est constaté, alors qu'il existait des projets ; il est toutefois vrai que la COI intervient parfois avec des logiques politiques. Je n'en constate pas moins que, même en l'absence de ces obstacles, les projets échouent.
Dans le domaine du développement des échanges et de l'insertion intervient souvent ce qui est pudiquement dénommé la « question des normes » portant sur les produits agricoles ; à Mayotte, on parle ainsi couramment de la viande malgache. Il ne s'agit pas de contourner les normes déterminées par les autorités de l'Union européenne, mais de rechercher comment s'y adapter dans les filières au sein desquelles nous avons des intérêts, afin de ne pas faire obstacle à la circulation des marchandises.
Ces questions très concrètes reviennent sans cesse dans les forums, et il conviendrait de les régler avant de multiplier les nouveaux sujets de réflexion. Lorsque les acteurs identifient un problème à résoudre, certains pays agissent avec célérité, ce que la France ne sait pas faire. Ainsi, la question des réseaux a été résolue en trois mois à Maurice, en neuf mois aux Seychelles, alors que, cinq ans plus tard, la France n'a toujours pas trouvé de solution satisfaisante. Je n'évoque pas les États déliquescents comme Madagascar ou les Comores qui ne disposent pas des structures administratives nécessaires, mais de nos partenaires économiques qui sont souvent exaspérés par notre façon d'aborder les choses dans ces zones. Dans bien des domaines, nos approches administratives leur paraissent pour le moins curieuses.
Sur ces sujets, il conviendrait de lancer quelques grands chantiers avec la vision qui est celle du monde de l'économie, et de nous interroger sur la manière dont nous pouvons faire évoluer nos pratiques et, parfois, nos réglementations. Cela favoriserait notre insertion ; car nous sommes souvent perçus comme des donneurs de leçons dans le domaine de l'efficacité administrative.