Intervention de Dominique Potier

Réunion du 24 mai 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques :

La commission des Affaires économiques s'est concentrée sur deux volets importants de ce projet de loi : les mesures touchant à l'agriculture et celles touchant à l'artisanat.

Concernant l'agriculture, il s'agissait avant tout d'établir des conditions d'équité dans une activité économique qui a partie liée avec la question de notre souveraineté alimentaire et celle de la maîtrise de notre territoire, enjeux singuliers qui participent du bien commun.

Ainsi, la commission des Affaires économiques s'est montrée unanime à soutenir et à renforcer les dispositions visant à augmenter les sanctions applicables aux pratiques commerciales abusives, à la non-publication des comptes ou au non-respect des délais de paiement ; elle a aussi souhaité que les contrats laitiers post-quotas ne puissent faire l'objet d'une transaction commerciale dans un délai étendu de cinq à sept ans.

En créant dans le texte des articles additionnels, la commission a également tenu à ouvrir plusieurs chantiers en vue de la séance. C'est notamment le cas sur la question des coûts de production, pour lesquels nous avons inscrit dans le projet de loi qu'ils devaient être évalués en référence à un ou plusieurs indicateurs publics qui reflètent la diversité des bassins de production et des modes de production agricoles, au regard de la valorisation de la triple performance économique, sociale et environnementale de l'agro-écologie, chère à Stéphane Le Foll.

Nous nous sommes également retrouvés unanimes sur la proposition visant à ouvrir la possibilité de conclure des contrats pluriannuels et tripartites entre producteurs, transformateurs et distributeurs, et avons également posé les jalons d'une réforme de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, autant de dispositions qui pourraient constituer les prémices d'une refonte de la loi de modernisation de l'économie et rendre à nos producteurs un peu de leur dignité.

Bref, nous avons du travail et des rendez-vous dès cet après-midi avec toutes les forces vives et les parties prenantes à ce volet agricole. Nous avons accueilli des amendements venant de tous les horizons et qui convergeaient vers le même but : c'est une unanimité sur le volet agricole qui se dessine pour la séance publique.

Le combat que nous avons à mener sur l'artisanat sera plus difficile, dans la mesure où il relève moins de l'équité que de l'agilité… Cela étant, j'ai entendu vos encouragements, monsieur le ministre, et il me sont précieux à ce stade, car de nombreux malentendus subsistent.

Sur la question du stage de préparation à l'installation (SPI), nous avons rapidement trouvé un terrain d'entente, tombant d'accord sur le fait que ce stage devait évidemment s'effectuer avant l'installation, mais plus rapidement. Le SPI est précieux et nous devons le renforcer. C'est dans cette optique que nous y avons intégré l'information sur la responsabilité sociale et environnementale (RSE), qui ne doit pas rester le monopole des multinationales.

En revanche, l'autre nouveauté que le ministre de l'Économie a souhaité introduire dans la loi et qui concerne les qualifications nous posait d'autant plus problème que, outre le fait que cela conduisait à ouvrir une boîte de Pandore, elle nous paraissait s'inscrire en porte-à-faux par rapport à la loi Pinel relative à l'artisanat, qui prônait la reconnaissance des métiers. La tentation était grande à ce stade de rejeter en bloc la proposition du ministre et de nous enfermer dans une logique opposant conservateurs et libéraux, ancienne et nouvelle économie. Mais nous ne sommes pas tombés dans ce piège et nous avons préféré examiner au fond les sujets posés dans le diagnostic du Gouvernement et qui méritaient peut-être des réponses différentes de celles qu'il proposait. C'est donc dans une logique de réforme de l'article 43 que nous nous sommes inscrits : autrement dit, l'article 43 auquel certains ici s'opposent n'existe plus. Nous travaillons sur de nouvelles pistes.

Ainsi, il n'y aura pas de remise en cause des tâches ou des métiers de l'artisanat qui ne fasse l'objet d'une concertation avec l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) et avec les professions concernées. Cela étant, l'enjeu reste de sortir de l'économie informelle grâce à ce sas vers l'artisanat que constitue la micro-entreprise ; or nous avons identifié une réelle carence à ce niveau. En effet, si la voie royale vers l'artisanat reste l'enseignement initial délivré par nos lycées professionnels – qui doivent devenir des lycées des métiers – et l'apprentissage, il nous faut en parallèle réformer la validation des acquis de l'expérience (VAE), pour donner leur chance à des personnes qui ont acquis un savoir-faire leur permettant d'intégrer cette économie de l'excellence et du contrat de confiance avec le consommateur, qui est la marque de l'artisanat, une de nos fiertés nationales.

Si nous voulons parvenir à un consensus sur l'article 43, le « déminer » en quelque sorte, il nous faut tirer tout le monde vers le haut. Cela exige de faire bouger les lignes et de faire preuve d'inventivité. C'est le chantier que nous proposons d'ouvrir à travers une réforme de la VAE, voire en élargissant la catégorie des « hommes toutes mains » et autres métiers du bricolage, qui, en marge de l'artisanat, répond à une attente croissante de nos concitoyens et constitue donc un précieux réservoir d'activité pour d'éventuels autoentrepreneurs.

Je tiens, pour conclure, monsieur le ministre, à saluer la disponibilité dont vous-même et votre cabinet avez fait preuve autour d'un chantier qui dépasse largement le champ de la commission économique mais que j'ai néanmoins souhaité ouvrir : la lutte contre les fonds vautours, qui s'attaquent aux dettes des États les plus fragiles et les plus pauvres. Nous devons prendre des mesures de protection des biens acquis par des pays tiers sur notre sol et concourir à débarrasser l'économie de ces fonds vautours qui sont souvent les mêmes que l'on retrouve dans les Panama Papers, acteurs d'une économie de la fraude et de la triche qui désespère le peuple et fabrique de la misère au bout du monde comme au bout de la rue.

Votre disponibilité ne s'est pas non plus démentie sur la question du marché foncier. Il ne peut en effet y avoir de politique alimentaire ou de politique agricole qui ne s'appuie sur une politique foncière. Or les multiples lois que nous avons adoptées ont laissé des « trous dans la raquette », qui ont permis à une société chinoise de racheter des terres en Berry. La présence de fonds spéculatifs sur nos terres depuis 2008, d'abord sur des terres à enjeu – terres périurbaines ou viticoles – mais bientôt sur des terres simplement destinées à la production de blé ou de colza, nous inquiète fortement. Il s'agit d'un dévoiement profond d'une politique agricole qui fait consensus depuis la Libération, d'une remise en cause de notre modèle de production et des valeurs de civilisation que nous attachons à la terre. C'est la raison pour laquelle, j'ai déposé un amendement d'appel visant à éviter que notre espace rural ne devienne un supermarché pour sociétés écrans.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion