Il est indispensable de lutter contre la corruption sur notre territoire, mais aussi de jouer à armes égales avec des puissances étrangères, fussent-elles amies : la création d'une agence spécialisée digne de ce nom, outil équivalent à ceux dont disposent d'autres grands pays, est une bonne chose. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, l'absence de condamnations d'entreprises en France pour corruption ; aux États-Unis, le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) a permis d'engager une centaine de poursuites pour un montant supérieur à 15 milliards d'euros au cours des dernières années.
Malheureusement, tel que votre texte est rédigé, il risque de passer « à côté de la plaque » : d'un côté vous imposez de nouvelles contraintes aux entreprises françaises – je pense aux obligations nouvelles de vigilance, dont le non-respect sera sanctionné à partir d'un seuil très bas –, et de l'autre vous créez une agence dépourvue de réels moyens d'action depuis que vous avez renoncé à la transaction pénale à la suite de l'avis du Conseil d'État. Notre dispositif risque de demeurer inopérant. Nous souhaitons vivement que le Gouvernement revienne sur ce point au cours du débat.
S'agissant des lanceurs d'alerte, le groupe Les Républicains salue l'intention du Gouvernement mais reste « sur sa faim ». Les lanceurs d'alerte prennent des risques très importants ; nous avons tous en tête le témoignage de Stéphanie Gibaud, cette ancienne salariée d'UBS, que vous avez vous-même reçue. Ils collaborent avec l'État pour résoudre ces affaires. Or le texte actuel ne prévoit pas d'indemnisation, et l'encadrement du secret des alertes paraît très insuffisant. La protection de ces démarches est pourtant essentielle.
Il nous paraîtrait hasardeux d'élargir la définition des lanceurs d'alerte – je pense au texte de notre collègue Yann Galut, qui est très large – sans les protéger véritablement et aller jusqu'au bout de la démarche.
S'agissant des représentants d'intérêts, le besoin de transparence dans les relations entre lobbyistes et autorités publiques est évident. Mais les décideurs doivent aussi être confrontés à ces intérêts particuliers, privés, n'ayons pas peur des mots : il ne faut pas entrer dans une logique de suspicion a priori. Or le projet de loi tend à alimenter une défiance généralisée, en raison de lacunes dans sa rédaction : je regrette notamment le peu de garanties procédurales prévues. Il est seulement question d'un secret professionnel dont la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique serait le garant ; cela me paraît insuffisant, la Haute Autorité n'ayant pas toujours montré un respect parfait de ce secret. Il est nécessaire d'aller plus loin, car les enjeux pour la réputation de ces entreprises sont importants.
La question de l'interaction entre intérêts privés et publics ne saurait d'ailleurs pas se limiter au rôle de lobbyistes ; il ne faudrait pas que la relation d'influence ne soit peu à peu réservée aux anciens élèves des grandes écoles de la fonction publique – je ne vise bien évidemment aucune promotion en particulier. Le départ annoncé ce matin même du directeur général du Trésor, l'homme qui connaît le mieux les participations de l'État actionnaire, qui est membre des conseils d'administration des dix plus grosses entreprises françaises et qui part se mettre au service d'un fonds d'investissement franco-chinois, nous rappelle combien il serait intéressant que les avis de la commission de déontologie soient rendus publics – à supposer qu'elle ait été saisie, d'ailleurs. Êtes-vous favorable à cette transparence systématique ?
S'agissant enfin de l'artisanat et des qualifications, notre groupe est évidemment opposé aux dispositions initiales du projet de loi ; les renvoyer à des textes réglementaires ne changera rien à notre position.