Immédiatement après la révolution, parce que le fort courant islamiste qui existe en Tunisie voulait imposer la loi islamique et une législation inspirée des préceptes religieux, un débat houleux a eu lieu au Parlement sur la place que devait avoir la religion dans notre pays. Finalement, la société civile démocratique a triomphé et la Tunisie s'est dotée d'une Constitution prévoyant une séparation nette de l'État et de la religion. À l'époque, les femmes étaient descendues dans la rue, manifestant pour protéger leurs acquis. Toutes les associations et les organisations de la société civile ont défendu le modèle tunisien d'émancipation imposé par Habib Bourguiba après l'indépendance. Contrairement à ce que certains veulent faire accroire, ce modèle n'a jamais attaqué l'islam : il établit que la relation avec Dieu, affaire privée, ne doit pas passer par les institutions et devenir une dictature religieuse. L'optique de la Tunisie n'a pas varié depuis lors et nous sommes le seul pays à population majoritairement musulmane où l'on a le droit de choisir sa religion, ou de ne pas en avoir. Cette liberté de conscience est protégée par la Constitution, de même que la parité hommes-femmes, qui se reflète au Parlement. Quant aux acquis du code du statut personnel – promulgué immédiatement après l'indépendance, avant même l'adoption de la Constitution – ils ont été préservés après la révolution de 2010-2011.
La Tunisie peut montrer que l'islam n'est pas contre la démocratie et qu'il convient seulement d'harmoniser les différents volets de la vie des citoyens en laissant la religion en dehors des querelles politiques, de la Constitution et des lois de l'État. Nous sommes tout à fait conscients que le modèle tunisien heurte les extrémistes et les effraye – ce pourquoi ils attaquent la Tunisie.